ALLEMAGNE - Géographie économique et régionale

ALLEMAGNE - Géographie économique et régionale
ALLEMAGNE - Géographie économique et régionale

La défaite de 1945 (Zusammenbruch ) a amené la partition de l’Allemagne et de sa capitale. Elle a entraîné un réaménagement de son économie, de ses structures. Les conséquences économiques, démographiques et géographiques ont été considérables. À la suite des remaniements territoriaux, la république fédérale d’Allemagne a accueilli environ 10 millions d’expulsés (Pologne, Tchécoslovaquie, Prusse-Orientale). À ce chiffre il faut ajouter environ 4 millions de personnes ayant quitté la République démocratique allemande pour se réfugier en R.F.A. Jusqu’à la construction du Mur de Berlin, en août 1961, la R.F.A. a ainsi reçu près de 14 millions de personnes. Près de un quart de la population est constitué par les expulsés ou les réfugiés. C’est sans doute cela le «miracle allemand»: l’intégration réussie d’une masse de population, sans travail, sans ressources. Depuis quelques années, la R.F.A. reçoit des réfugiés (Aussiedler ) en provenance de Pologne (Silésie), d’U.R.S.S. ou de Roumanie (Transylvanie). On en comptait 52 000 en 1980, 69 000 en 1981 et 203 000 en 1988. Plus de 700 000 personnes auraient quitté l’ex-R.D.A. pour l’ex-R.F.A. de 1989 à 1991. L’absorption d’une telle masse de personnes a, certes, posé des problèmes. Mais, grâce à leur abnégation et à leurs sacrifices, ces déracinés ont contribué à reconstruire l’Allemagne. Devant les champs de ruines, patrons et ouvriers se sont trouvés à égalité. La période de reconstruction a été incontestablement favorable à l’établissement d’un consensus politique et social. Bien des idées élaborées au cours de la Réforme, au XVIe siècle, se sont concrétisées après 1945. La réussite matérielle aidant, on a pu parler de «modèle allemand».

1. Le «modèle» R.F.A.

Le plan Morgenthau, du nom du ministre des Finances des États-Unis pendant la guerre de 1939-1945, proposait de transformer l’Allemagne, après sa défaite, en un Agrarstaat (État agricole). L’afflux des réfugiés-expulsés rendait ce plan irréalisable. La renaissance de l’Allemagne repose sur un certain nombre de structures.

Le fédéralisme

Le fédéralisme a été imposé par les Alliés, contre l’avis des Allemands. Toutefois, ces derniers en ont tiré toutes les conséquences, favorables. En créant les Länder, on a décentralisé l’Allemagne en la faisant profiter d’un passé où l’autonomie de petites unités était largement développée. Chaque Land a sa Constitution et est souverain en matière culturelle (enseignement, université, théâtre, musique, cultes). L’État fédéral touche environ 49 p. 100 de tous les impôts collectés. Les Länder en perçoivent environ 36 p. 100, les communes 12 p. 100 (le reste va à la Communauté européenne). De ce fait, communes et Länder ont de larges possibilités d’action dans les domaines économique et culturel. En 1987, l’État fédéral employait 326 000 personnes, les Länder 1 783 000 et les communes 1 103 000.

L’unification des deux États allemands a eu comme conséquence l’introduction du fédéralisme dans l’ex-R.D.A., appelée depuis 1990 les cinq nouveaux Länder (die fünf neuen Länder ). Chaque nouveau Land a ainsi sa Constitution, son gouvernement, son budget, son autonomie culturelle et communale, etc. Le fédéralisme est incontestablement un facteur de réussite dans la reconversion du pays.

La ville, base de la société et de la démocratie allemandes

Chaque Land est souverain en ce qui concerne la structure et la réforme communales. C’est ainsi qu’au cours des années 1960-1970 tous les Länder (sauf les Länder urbains) ont procédé à une réforme communale. Il s’agissait de faire correspondre les unités administratives avec les unités socio-économiques qui se sont constituées au cours des dernières décennies. Pour la commune de base, on a retenu le critère d’environ 8 000 habitants. Deux types de communes ont été constitués, la commune unitaire , où toutes les communes fusionnent en une seule, et la commune fédérée , où chaque commune garde son indépendance juridique, mais où les affaires sont gérées par un conseil municipal «fédéral», les anciennes communes ne gardant que des compétences locales. En Sarre, seulement 12 communes ont entre 5 000 et 10 000 habitants. Toutes les autres sont plus grandes. De 350 communes on est passé à 49. En Rhénanie-du-Nord - Westphalie, aucune commune n’a moins de 3 000 habitants. Ce sont les régions rurales et catholiques (Schleswig-Holstein, Basse-Saxe, Bavière) qui sont allées le moins loin dans les regroupements. En 1968, la R.F.A. comptait 24 282 communes. En 1982, ce nombre est tombé à 8 505. Les réformes communales ont réalisé une «urbanisation administrative» qui a favorisé les grandes villes. Les conséquences sur le plan de l’aménagement du territoire sont sensibles. Le rôle économique des communes a tendance à croître. Sur un total de 112 milliards de deutsche Mark (DEM) d’investissements publics, l’État fédéral en réalise 29 p. 100, les Länder 36 p. 100 et les communes 35 p. 100 (1986).

L’ex-R.D.A. comptait 7 565 communes, presque autant que la R.F.A. Mais elles avaient beaucoup moins de pouvoir. 86,8 p. 100 étaient des communes rurales (moins de 2 000 habitants). Toutefois, elles ne réunissent que 23,2 p. 100 de la population totale. Le taux d’urbanisation est très élevé. On compte un grand nombre de villes petites et moyennes. En 1939, les villes de plus de 100 000 habitants étaient au nombre de dix; en 1987, elles sont quinze. Cette structure urbaine, qui repose sur une vieille tradition, est un élément favorable pour la reconstruction du pays après quarante ans de régime marxiste qui, pourtant, s’est méfié des grandes villes (voir le rôle de Leipzig dans la chute du Mur; Dresde n’a pas retrouvé sa population de 1939). Il est à prévoir que les cinq nouveaux Länder procéderont à des fusions de communes, pour devenir plus viables et apporter leur contribution dans la reconstruction du pays.

La vie culturelle

On présente trop souvent la R.F.A. comme un État industriel (Industriestaat ). On oublie l’importance de la culture, sans doute parce qu’elle relève des Länder et des communes. Dans l’ancienne R.F.A., 75 villes possèdent au moins une troupe permanente de théâtre engagée à l’année et jouant onze mois sur douze. Il s’agit de théâtres municipaux ou d’État (Land). Ces théâtres emploient près de 28 000 salariés à temps plein (artistes, musiciens, choristes, administratifs). En 1981, en pleine crise, les théâtres publics ont dépensé 1,46 milliard de DEM. Les subventions des Länder se sont montées à 645 millions de DEM. En 1986-1987, elles ont atteint 766 millions de DEM. Une situation à faire pâlir les théâtres français. Devant la concurrence de la télévision, la fréquentation des théâtres est en baisse: 17 millions de spectateurs en 1982, contre 16,4 millions en 1987. Les théâtres privés (une centaine) reçoivent, en moyenne, plus de 4 millions de spectateurs. La subvention officielle par spectateur est de 96 DEM par an pour les théâtres publics. Trente-quatre villes ont un orchestre permanent différent de celui qu’utilise le théâtre lyrique. Ces orchestres ne sont pas toujours localisés dans les grandes villes. Sept orchestres se trouvent dans des villes de moins de 100 000 habitants (Reutlingen, Marl-Hüls, Bamberg, Constance, Hof, Baden-Baden, Bad Reichenhall). La lecture est une pratique courante. Sur les 19 292 bibliothèques recensées, 34 ont un fonds supérieur à 1 million de volumes. La R.F.A. occupe la troisième position pour le nombre de titres d’ouvrages édités chaque année, après les États-Unis et l’U.R.S.S. Les titres qu’elle édite sont près de deux fois plus nombreux que ceux qui paraissent en France. Jusqu’à sa réunion à la R.F.A., la R.D.A. avait une vie culturelle à base de marxisme-léninisme. L’unité retrouvée bouleverse totalement les structures culturelles.

La révolution universitaire

Il ne s’agit pas de révolution au sens violent du terme, mais au sens de transformation sociale et culturelle. En 1960, il n’y avait que 291 000 étudiants à temps plein. Les onze anciens Länder totalisent, en 1989, plus de 1 509 000 étudiants. On recense 244 établissements d’enseignement supérieur, contre 213 en 1975. On compte plus de 319 000 étudiants en 1989 dans les sciences concernant les ingénieurs (contre moins de 100 000 en France). À partir de 1968 furent créées les Fachhochschulen ; elles comptent 357 000 étudiants et forment des ingénieurs. Les sections linguistiques et culturelles totalisent 302 000 étudiants, les sciences juridiques, économiques et sociales 294 000. L’ensemble des filières existe dans chaque Land.

De 1970 à 1986, on a dépensé 40,2 milliards de DEM (dont 21,1 par les Länder) pour la construction dans l’enseignement supérieur. Ce dernier relève entièrement des Länder, sauf pour la construction. Les dépenses moyennes annuelles par étudiant pour l’enseignement et la recherche varient entre 6 100 DEM (droit, sciences économiques) et 37 300 DEM (médecine). En lettres, elles sont de 8 900 DEM. La moyenne générale est de 12 300 DEM. En 1986, les dépenses pour l’enseignement supérieur se sont élevées à 24,5 milliards de DEM. Malgré ces dépenses élevées (plus qu’en France), étudiants et professeurs se plaignent de l’insuffisance des moyens...

Dans l’ex-R.D.A., l’accès à l’enseignement supérieur était plus difficile. On ne comptait que 132 000 étudiants en 1987, dont 41 000 dans les sciences techniques. La fusion avec la R.F.A. va entraîner des transformations en profondeur. Comme la «souveraineté culturelle» relève des Länder, ces derniers privilégient le développement de l’enseignement supérieur (et de la recherche) pour des raisons régionales, économiques et culturelles. Les succès économiques de la R.F.A. sont en partie dus à son système d’enseignement, et notamment dans l’enseignement supérieur, qui traditionnellement collabore avec le secteur privé (industrie, commerce). La relance économique des cinq nouveaux Länder repose, partiellement, sur l’enseignement supérieur et la recherche.

L’Allemagne possède le potentiel scientifique et culturel (dont l’enseignement supérieur) le plus important en Europe.

2. Les cinq nouveaux Länder: le modèle socialiste de l’ex-R.D.A.

L’unité politique des deux États allemands, réalisée en 1990, n’a pas encore effacé les traces de l’héritage socialiste. Aussi faut-il, pour comprendre les problèmes des cinq nouveaux Länder issus de la R.D.A., rappeler l’héritage de quarante années de socialisme.

Issue du démembrement de l’Allemagne après la défaite de 1945, la République démocratique allemande était la première république socialiste sur terre allemande.

Contrairement à la R.F.A., la R.D.A. était un État centralisé. Le centralisme démocratique était fondé sur la prééminence du Parti socialiste unifié (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands : S.E.D.). C’est le congrès du S.E.D. qui discutait et approuvait les plans de développement quinquennaux. Les 108 333 kilomètres carrés, habités par un peu plus de 16 millions d’habitants, étaient divisés en 7 548 communes et 15 districts (Bezirke ). En outre, on comptait 28 arrondissements urbains et 191 arrondissements ruraux. La Constitution précisait que «la R.D.A. est un État socialiste des ouvriers et des paysans» (art. 1er); elle soulignait le rôle de la propriété socialiste qui pouvait prendre différentes formes:

– biens populaires (Volkseigentum , par exemple V.E.G. ou V.E.B.);

– biens coopératifs (coopératives, par exemple L.P.G.);

– biens collectifs d’organisation de citoyens (par exemple les Klubhäuser ).

Les moyens de production (agriculture, industrie) étaient en quasi-totalité entre les mains de la collectivité (État), le commerce de détail pour plus de 90 p. 100. La priorité était accordée aux secteurs productifs. L’enfant jouait un rôle primordial dans l’édification de la société socialiste. L’enseignement et son environnement culturel et sportif, de ce fait, avaient une importance fondamentale. L’article 25 de la Constitution proclamait la scolarité obligatoire de six à quinze ans; à l’école polytechnique supérieure (Polytechnische Oberschule : P.O.S.), le pourcentage d’élèves pouvant continuer leurs études dans l’école supérieure prolongée (Erweiterte Oberschule : E.O.S.) était fixé par le congrès du parti. L’accès à l’université n’était pas réservé aux seuls bacheliers. Il y avait deux fois plus d’inscrits dans les universités populaires que dans les universités proprement dites. De plus, les facultés ouvrières et paysannes pouvaient préparer au niveau supérieur. Ce système complexe traduisait le refus de privilégier l’intelligence pure, les intellectuels.

La Constitution proclamait l’égalité de la femme et de l’homme. La R.D.A. détenait le record mondial de l’activité féminine. Cela entraînait des conséquences sociales importantes: multiplication des équipements sociaux d’accueil des enfants dès le plus jeune âge (crèches, cantines, organisations sportives, culturelles, politiques). Le développement du socialisme s’appuyait sur celui des villes (moyennes surtout). L’assistance médicale était gratuite, mais nettement inférieure à ce qu’elle était alors en R.F.A. Avec un médecin pour 520 habitants et un dentiste pour 1 800 habitants, la R.D.A. se plaçait parmi les nations ayant la densité médicale la plus forte. Du fait que la Constitution proclamait le droit au travail de tout citoyen, le chômage n’existait pas. Néanmoins, la productivité était nettement inférieure à celle de l’Allemagne occidentale.

La Constitution proclamait également le droit à la formation et à la vie culturelle. Pour 7 583 communes, on recensait 6 347 bibliothèques à temps plein et 6 386 tenues par des bénévoles et ouvertes périodiquement. La moitié des bibliothèques était gérée par les syndicats. La tradition théâtrale est restée vivante; on comptait 140 théâtres animés par 134 groupes d’artistes; 42 théâtres possédaient des chœurs. En 1991, ces activités connaissent une profonde crise. La musique, héritage capitaliste, était une activité importante qui a été favorisée. On recensait 81 orchestres comptant 4 000 musiciens.

Enfin, la Constitution (art. 7) proclamait l’alliance irrévocable (unwiderruflich ) avec l’U.R.S.S. La R.D.A., selon le même article, «est un élément inséparable de la communauté socialiste», ce qui se répercutait sur le plan du commerce international et des relations culturelles. La R.D.A. était membre du Conseil d’aide économique mutuelle (C.A.E.M. ou Comecom), qui organisait la spécialisation de chaque État membre dans un certain nombre d’activités économiques (par exemple la chimie, l’électronique, l’optique pour la R.D.A.). L’idéologie politique se retrouvait donc très largement à la base du développement économique et géographique.

3. La situation démographique

Dans les onze anciens Länder

Sur le territoire correspondant à la R.F.A. avant l’unification vivaient, en 1816, 13,7 millions d’habitants, représentant une densité de 55 habitants au kilomètre carré. La croissance était continue mais assez lente jusqu’en 1871 où on en recensait 20,4 millions. En 1910, on atteignait 35,6 millions et, en 1939, 43 millions. L’arrivée des expulsés et des réfugiés après 1944-1945 explique une nouvelle croissance: 50,8 millions en 1950. Le maximum fut atteint avec 62 millions en 1974. Depuis, il y a une légère régression: 61,6 millions en 1983. Celle-ci est due à deux causes: déficit naturel et retour au pays des étrangers. La densité reste très élevée: 248 habitants au kilomètre carré. La forte natalité qui a marqué la démographie du XIXe siècle n’est plus qu’un lointain souvenir. En 1950, elle était encore de 16,2 p. 1 000, mais elle s’est effondrée au début des années soixante-dix à la suite de l’introduction des moyens anticonceptionnels. Elle était tombée à 9,4 p. 1 000 en 1978 pour remonter à 10,1 p. 1 000 au début des années quatre-vingt. Depuis 1984, la natalité a tendance à remonter; elle était de 11 p. 1 000 en 1988. Comme la mortalité a également baissé (11,2 p. 1 000 en 1988, contre 11,7 p. 1 000 en 1981), le bilan total s’améliore tout en restant très légèrement négatif. Le déficit est de 0,2 p. 1 000. Il est largement compensé par l’immigration. Les onze anciens Länder comptaient, en 1988, 4,489 millions d’étrangers, dont 43,6 p. 100 sont des femmes. Sur l’ensemble des naissances, celles des étrangers représentent 11 p. 100 (1988). À la suite d’une politique de limitation de l’immigration au début des années 1980, le nombre d’étrangers avait effectivement diminué, mais à la fin de la décennie il a repris. Les plus nombreux sont les Turcs (1,5 million); suivent les Yougoslaves et les Italiens qui représentent, les uns comme les autres, environ 15 p. 100. L’unification des deux États allemands va modifier considérablement les courants migratoires. Les chômeurs des cinq nouveaux Länder sont des concurrents directs pour les étrangers. La libéralisation en Europe centrale et orientale risque de déclencher des mouvements migratoires d’une ampleur inconnue. En 1991, déjà, l’obligation du visa a été abolie entre l’Allemagne et la Pologne. Des millions d’Européens du Centre et de l’Est attendent aux portes de la très prospère Allemagne. Grâce à sa structure démographique, l’Allemagne supporte moins de dépenses sociales que la France, d’autant plus que l’âge de la retraite reste fixé à soixante-cinq ans.

Au cours des années 1980, l’ancienne R.F.A. a accueilli plusieurs centaines de milliers d’Allemands de Roumanie, de Pologne, d’U.R.S.S. (Übersiedler et Aussiedler ). De ce fait, la population de la nouvelle Allemagne a tendance à augmenter.

Dans les cinq nouveaux Länder

À la suite des remaniements territoriaux consécutifs à la Seconde Guerre mondiale, la R.D.A. a absorbé plus de 3 millions d’expulsés, réfugiés en provenance de territoires aujourd’hui russes, polonais ou tchèques. À cet apport important il faut ajouter un excédent de croissance, pour la période 1950-1968, de plus de 1 150 000 individus. Cependant, à partir de 1968 le taux de natalité est dépassé par le taux de mortalité, si bien que le déficit se creuse. La population passe de 18 793 000 en 1949 à 16 732 000 en 1981. Les départs vers la R.F.A., jusqu’à la construction du Mur de Berlin, ne sont qu’une explication partielle de ce recul. Le taux de natalité, qui était supérieur à 17 p. 1 000 entre 1960 et 1964, est tombé à 10,6 p. 1 000 en 1973, pour remonter au-dessus de 14 p. 1 000 à partir de 1978 (14,2 p. 1 000 en 1981), mais retomber à 13,6 p. 1 000 en 1987. Le taux de mortalité a tendance à osciller: 13,4 p. 1 000 en 1949, 14,3 p. 1 000 en 1969, 13,9 p. 1 000 en 1981 et 12,9 p. 1 000 en 1987. La décennie 1980-1990 a connu une certaine stabilisation marquée par un léger excédent de la natalité. La situation démographique est donc meilleure, en principe, dans les cinq nouveaux Länder que dans les onze anciens. La tranche des jeunes de moins de dix-huit ans est en baisse et ne représente que 23,2 p. 100 en 1987. Celle des plus de soixante-cinq ans est tombée à 13,5 p. 100. La population théoriquement active est donc de 63,3 p. 100 en 1987, contre 59,7 p. 100 en 1981. Au total, 48 p. 100 des femmes travaillent. Mais, si on ne considère que les femmes en âge de travailler, ce sont 72 p. 100 d’entre elles qui sont actives (1987). Un record du monde. Cette réalité avait entraîné des conséquences démographiques et sociales: un taux de divorces de 37 p. 100 (1986), le développement des crèches (plus de 6 300 avec 280 000 places). Sur 1 000 enfants en âge d’aller dans une école maternelle (Kindergarten ), 930 y étaient inscrits, ce qui décharge la mère et permet un double salaire dans la famille. Ce sont ces acquis sociaux qui sont remis en cause avec la réunion des deux États. Le rôle de la femme était plus important en R.D.A. qu’en R.F.A. Les raisons étaient largement idéologiques: la prise en charge de l’enfant dès le plus jeune âge, par l’État, permettait de le former dans le marxisme-léninisme. Les statistiques de la R.D.A. ne mentionnaient pas les étrangers. À la veille de l’unification, leur nombre ne cessait de croître: Vietnamiens, Cubains, Angolais, Mozambicains, mais aussi Polonais et Tchèques. On assistait à des réactions racistes. L’unification entraîne le départ de bon nombre d’étrangers.

Avec l’unification des deux États allemands, bien des choses ont changé. Le chômage officiel atteint 800 000 personnes au milieu de 1991. Il faudrait y ajouter près de 2 millions de chômeurs partiels. Le chômage touche surtout les femmes. Le nombre de crèches et de jardins d’enfants a considérablement diminué. Après l’ouverture du Mur, des centaines de milliers de personnes ont émigré vers les Länder de l’Ouest. Comme dans les cinq nouveaux Länder les salaires et les traitements sont de 60 p. 100 seulement de ce qu’ils sont à l’Ouest, il est à craindre que l’émigration prenne une ampleur considérable.

Conséquences de l’unification

L’unification des deux États a des conséquences importantes sur le plan de la répartition de la population selon la religion. Dans les onze anciens Länder, les catholiques représentent 43,5 p. 100, les protestants 43,4 p. 100 et les musulmans 2,3 p. 100 de la population. En revanche, dans les cinq nouveaux Länder, les protestants forment 85 p. 100 de la population, le reste étant constitué presque exclusivement par les catholiques. Les juifs ne sont plus que quelques dizaines de milliers (28 000 en R.F.A.). L’appartenance (volontaire) à une communauté religieuse entraîne l’obligation de verser un «impôt d’Église» (Kirchensteuer ). En 1988, le montant global de cet impôt, à répartir entre toutes les communautés, s’est élevé à 6,5 milliards de DEM.

La mobilité de la population dans les onze anciens Länder a tendance à se réduire. En 1980, on comptait plus de 3 millions de personnes à changer de communes; ce chiffre est tombé à 2,5 millions en 1988.

Dans l’ancienne R.F.A., la population active se répartit comme suit (1988): agriculture 4,2 p. 100, industrie et bâtiment 41,1 p. 100, secteur tertiaire 54,7 p. 100. L’ancienne R.D.A. avait une structure différente (1987): agriculture 10,8 p. 100, (10,6 p. 100 en 1980), industrie et bâtiment 47,2 p. 100, secteur tertiaire 42,0 p. 100. Sur le plan social, la différence entre les deux parties de l’Allemagne est également très importante. Dans l’ex-R.D.A., 88,3 p. 100 des travailleurs étaient des ouvriers et employés, 9,5 p. 100 des membres de coopératives, le reste des indépendants. Dans les onze anciens Länder, la répartition est autre: indépendants, 8,9 p. 100; aides familiales, 2,3 p. 100; fonctionnaires, 8,7 p. 100; employés, 42,1 p. 100; ouvriers, 38,1 p. 100. L’unification bouleverse les structures sociales dans l’ex-R.D.A.

4. Une Allemagne: deux agricultures

L’agriculture dans l’Allemagne des onze anciens Länder: une activité méconnue

La puissance industrielle de la R.F.A. a pour conséquence que l’agriculture est méconnue. Pourtant, elle repose sur des traditions solides et anciennes. L’efficacité du paysan allemand ne date pas d’aujourd’hui. À partir du XIXe siècle, l’agriculture profite des avantages de l’industrie et des recherches des universités. La constitution d’énormes régions industrielles (Ruhr, Saxe, Berlin) et l’essor des grandes villes aboutissent à la formation d’importants marchés pour l’agriculture allemande.

Depuis 1949, l’agriculture a perdu 1,47 million d’hectares, soit 11 p. 100 de sa superficie. Les résultats sont d’autant plus significatifs. Entre 1949 et 1990, la réduction du nombre d’exploitations est de 62 p. 100. À cette dernière date, il ne reste plus que 308 000 exploitations à temps plein, 55 100 exploitations d’appoint (Zuerwerb ) et 266 300 complémentaires (Nebenerwerb ). La valeur de la production agricole a atteint 59,8 milliards de DEM en 1989-1990. Les petites exploitations gérées par des ouvriers, employés, fonctionnaires ne sont pas découragées par les lois sur l’agriculture. Au contraire, on leur attribue une fonction écologique pour sauvegarder et embellir les paysages. Les exploitations de 20 à 100 hectares ne représentent que 30 p. 100 de toutes les exploitations, mais occupent 63 p. 100 de la surface agricole utilisée. L’exploitation à temps plein commence au-dessus de 20 hectares, sauf pour la vigne et autres cultures spécialisées. Les exploitations de 100 hectares et plus ne représentent que 0,9 p. 100 du total, mais cultivent 8 p. 100 des terres.

La mécanisation est très poussée. On compte un tracteur pour 9 hectares de surface agricole utilisée, et une moissonneuse-batteuse pour 79 hectares. Les exploitations utilisent environ 500 000 machines à traire. La proportion est plus élevée qu’en France. En 1987-1988, l’agriculture a utilisé plus de 4,5 millions de tonnes d’engrais (potasse, azote, phosphates, calcaires), soit, en moyenne, 4 quintaux à l’hectare. Malgré une politique qui vise à limiter certaines productions (mises en friche en Basse-Saxe), le prix de la terre agricole reste élevé: 27 000 DEM l’hectare au Schleswig-Holstein et 91 100 DEM en Bavière (1987).

Les rendements agricoles sont élevés: 60 quintaux, en moyenne, pour le blé d’hiver pour la période 1982-1987, 43 quintaux pour l’orge, 63,5 quintaux pour le maïs, 500 quintaux pour la betterave à sucre. Tous les rendements sont en forte augmentation. L’intensité des cultures apparaît aussi dans le fait que 61 p. 100 de la surface agricole utile (S.A.U.) sont consacrés aux labours contre 37 p. 100 aux surfaces toujours en herbe, le reste étant occupé par la vigne (101 000 ha), les cultures fruitières (47 000 ha), les jardins, les pépinières, etc.; 65 p. 100 des labours sont utilisés pour la culture des céréales. La culture du houblon reste stable (19 600 ha), alors que la culture de légumes de plein champ a diminué (1981, 52 000 ha; 1988, 49 400 ha).

Malgré l’importance des labours, l’élevage est un secteur très important, valorisant les productions végétales. Le cheptel bovin est plus réduit (1985, 15,9 millions de bêtes; 1988, 15 millions). Le nombre de vaches laitières a diminué, à cause des quotas laitiers imposés par les autorités européennes (1978, 5,4 millions; 1988, 4,9 millions). En revanche, le troupeau porcin se maintient autour de 23,7 millions de bêtes. La moyenne de la production laitière, par vache, est de 4 857 kilogrammes en 1990.

Il convient de citer les facteurs les plus importants qui ont permis d’arriver à des résultats aussi brillants. Il y a d’abord la qualité des hommes. La création d’écoles d’agriculture dans chaque arrondissement rural remonte au XIXe siècle. En 1980, 53 p. 100 de tous les exploitants avaient suivi une formation agricole, en outre 20 p. 100 avaient une formation ou des diplômes non agricoles. 35 p. 100 des épouses des agriculteurs avaient suivi un enseignement agricole, et 13 p. 100 un enseignement extra-agricole professionnel. Le degré de formation professionnelle est particulièrement élevé parmi les jeunes agriculteurs et agricultrices. Du fait du recul de la population active agricole, nombre d’écoles d’agriculture ont été transformées en office de conseil. À côté du ministère de l’Agriculture fédéral, chaque Land territorial possède son propre ministre de l’Agriculture, du Ravitaillement (Ernährung ) et de la Sylviculture. Ainsi, État fédéral et gouvernements des Länder contribuent à l’amélioration des structures, priorité de la politique agricole.

Les premiers remembrements remontent aux XVIIe-XVIIIe siècles, mais la législation moderne date du XIXe siècle. Le remembrement avait touché plus de 254 000 hectares, avant 1920, dans la seule province de Rhénanie. Entre 1975 et 1981, on a remembré en R.F.A. plus de 1,5 million d’hectares. Certaines communes en sont à leur troisième remembrement depuis le XIXe siècle. Il est devenu depuis les années cinquante une opération d’aménagement rural. L’objectif est d’améliorer les conditions de production agricole, de contribuer à un aménagement rationnel où les aspects écologiques et l’environnement sont pris en considération. On sauvegarde ainsi certains biotopes originaux et on favorise le développement du tourisme et des loisirs. Le remembrement touche également les vignobles.

Dans le cadre du remembrement, on a incité nombre d’agriculteurs à établir leur exploitation à l’écart du village. L’opération, financée par des crédits publics, s’appelle Aussiedlung . Les nouvelles fermes, avec leurs champs groupés autour, ont été implantées à 700 mètres, voire 1,5 km du village. On peut estimer à plus de 20 000 les fermes qui ont été construites depuis 1945. Elles concernent près de un dixième de la S.A.U. D’une manière générale, les autorités encouragent financièrement toutes les améliorations de structure et d’infrastructure, afin d’abaisser les coûts de revient (amélioration des routes, accès aux autoroutes, drainage, lutte contre l’érosion, amélioration des races animales, etc.). Des aides spéciales sont accordées aux régions désavantagées (Fördergebiete ): régions de montagne, régions littorales, régions frontalières avec la République démocratique allemande.

L’agriculture a pu se développer à partir du XIXe siècle grâce à l’essor du système coopératif Raiffeisen (du nom de son fondateur). Le système du crédit mutuel est partie intégrale du système coopératif. Le fait que les Raiffeisenbanken et les Volksbanken (banques populaires) se sont rapprochées met à la disposition du monde rural un formidable réseau bancaire.

Les grandes régions céréalières, avec association de la betterave à sucre, sont les régions lœssiques des Börden (Zülpich, Düren, Hanovre). La polyculture se pratique dans le bassin souabe-franconien, en Bade, en Bavière. L’élevage l’emporte au Schleswig-Holstein, dans les Marschen , dans le bassin de Münster et dans toutes les régions de montagne.

Le bilan agricole des onze anciens Länder est positif. Leur degré d’autosatisfaction (1989) en produits agricoles est, par rapport à la consommation, de 101 p. 100 pour les céréales (dont 113 p. 100 pour le blé tendre et 105 p. 100 pour l’orge), 132 p. 100 pour le sucre, 136 p. 100 pour l’huile de colza, 89 p. 100 pour la viande (dont 113 p. 100 pour la viande bovine), 103 p. 100 pour le lait, 549 p. 100 pour la poudre de lait écrémé, 94 p. 100 pour le fromage, 88 p. 100 pour les vins, mais seulement 37 p. 100 pour les légumes et 23 p. 100 pour les fruits.

L’agriculture dans les cinq nouveaux Länder

Le territoire des cinq nouveaux Länder était, avant 1939, une région de grande propriété, surtout dans le Nord. Les exploitations de plus de 100 hectares ne formaient que 1,1 p. 100 du total des propriétés, mais occupaient 29 p. 100 des terres. La maison des Hohenzollern possédait 90 000 hectares environ. La famille von Arnim détenait 116 800 hectares morcelés en de très nombreuses exploitations. Le nombre des grands propriétaires est évalué à environ 9 000 vers 1939-1945. Le gouvernement socialiste confisque 2,6 millions d’hectares et les attribue au Bodenfonds (fonds foncier). Celui-ci en cède une partie, après remembrement, aux ouvriers agricoles et aux petits paysans sans terres. Le domaine (Gut ) du comte von Willamovitz-Moellendorf à Hohen-Niendorf (arrondissement de Magdebourg) fut distribué à une trentaine d’ouvriers agricoles. En 1952 commence une seconde phase, celle de la création des coopératives agricoles (L.P.G., Landwirtschaftliche Produktionsgenossenschaft ) qui regroupent les terres des paysans. Leur nombre passe de 1 906 en 1952 à 6 047 en 1955 et 19 313 en 1960. Une nouvelle phase débute à cette date. En effet, la création des K.A.P. (Kooperative Abteilungen Pflanzen-Produktion , sections coopératives de production végétale) entraîne une spécialisation des coopératives. On regroupe les sections fourragères et céréalières des anciennes coopératives. Dès 1975, 1 210 K.A.P. rassemblent 84,5 p. 100 de toute la S.A.U. (surface agricole utile) du secteur socialiste. Il semble qu’à partir de 1975 on ait abandonné les K.A.P. pour revenir aux L.P.G. en distinguant celles qui sont orientées vers la production animale. À côté des coopératives existaient des «fermes d’État» (V.E.G., Volkseigene Güter ). Ces dernières avaient tendance à augmenter au détriment des L.P.G. La tendance était de rapprocher les L.P.G. des unités de production industrielles. L’agriculture n’était pas prioritaire. En 1987, elle n’a reçu que 7,9 p. 100 des investissements, contre 14,4 p. 100 en 1955. En revanche, les investissements industriels (sans le bâtiment) sont passés de 51,4 p. 100 en 1979 à 57 p. 100 en 1987. Néanmoins, elle est restée la plus productive de toutes celles des ex-pays socialistes. Les grandes parcelles de plusieurs centaines d’hectares dominent. La L.P.G. de Beesenstedt, dans les Börden lœssiques près de Halle, s’étend sur 8 500 hectares, c’est-à-dire la superficie d’une bonne dizaine de communes; 8 000 hectares sont en labours. Une seule parcelle s’étend sur plus de 700 hectares. La L.P.G., qui compte 714 membres, élève 8 000 bovins, 625 truies, 6 150 ovins. Le parc de machines comprend 180 tracteurs, 17 moissonneuses-batteuses, 5 combinés pour la récolte des betteraves à sucre et 5 récolteuses de pommes de terre. En 1988, les labours se font jusqu’à un mètre de profondeur. Tout cela crée une solidarité de fait dans les unités territoriales assez vastes. L’organisation communale passe au second plan. Les coopératives se chargent elles-mêmes de vendre leur production. La mécanisation est très poussée, imitant le modèle soviétique. Le lourd tracteur traînant plusieurs socs de charrue fait partie du paysage. En 1988, les labours occupent 76 p. 100 de la S.A.U. Les surfaces toujours en herbe ne couvrent que 18 p. 100 de cette dernière. Les céréales occupent 52 p. 100 des labours, les plantes fourragères 13 p. 100, les pommes de terre 10 p. 100, le maïs 8 p. 100, la betterave à sucre 6 p. 100, les plantes oléagineuses 3 p. 100. D’une manière générale, les rendements sont élevés sauf pour les betteraves à sucre et les pommes de terre. Pour la période 1976-1981, le rendement du blé a été de 42,4 q/ha, ce qui classait la R.D.A. bien avant l’U.R.S.S. Le cheptel compte 5,7 millions de bovins, 12,7 millions de porcs et 2,2 millions de moutons. Les élevages de volailles totalisent 54,3 millions d’animaux, dont 26 millions de poules pondeuses. Par rapport aux autres pays socialistes, la production agricole est bonne; le ravitaillement en produits de base est suffisant. La R.D.A. a même pu exporter certains produits (sucre, alcools). L’agriculture jouait, certes, un rôle important dans l’économie de la R.D.A. mais ne contribuait que pour 4 p. 100 au produit national brut.

L’unification des deux États allemands bouleverse l’organisation de l’agriculture des cinq nouveaux Länder. En 1991, plusieurs formules sont envisagées: 1o les entreprises familiales comparables à celles des Länder de l’Ouest, avec toutes les difficultés qui peuvent en découler; 2o les petites coopératives (sociétés de droit civil); 3o les anciennes coopératives agricoles et les anciennes fermes d’État seraient transformées en sociétés à responsabilité limitée, voire en sociétés anonymes. La situation mettra bien des années à se clarifier, d’autant plus que la politique agricole commune (P.A.C.) est introduite dans l’ex-R.D.A. Ainsi, la politique de gel des terres (mises en friche) a débouché, en 1990, sur la signature de 2 206 contrats mettant en friche 600 000 hectares, contre 312 000 pour les anciens Länder et 39 700 seulement pour la France. On peut se demander si l’ex-R.D.A. ne sera pas plus touchée par les restrictions de cultiver que les onze Länder de l’Ouest. Le retour à une agriculture totalement privatisée se heurte à la résistance, partielle, des anciens membres des L.P.G. et V.E.G. qui tiennent à sauvegarder les acquis sociaux: horaires de travail précis, congés, loisirs, crèches et autres équipements sociaux. Le fédéralisme introduit dans l’ex-R.D.A. permettra sans doute de conserver les acquis les plus positifs. Ainsi, la nouvelle Allemagne connaîtra deux agricultures assez différentes.

Sur le plan régional, en ce qui concerne le territoire de l’ex-R.D.A., on peut opposer le Nord et les Börden, riches terres agricoles, aux districts montagneux du Sud.

Les greniers à grains et les grandes régions betteravières sont situés dans les Börden et dans les autres régions lœssiques: Magdebourg, Halle, Leipzig. Là se trouvent aussi les grandes villes, les grandes concentrations industrielles et la plus forte densité de voies de circulation. La viticulture subsiste quelque peu dans les vallées de la Saale, de l’Unstrut et de l’Elbe (au nord de Dresde). L’arboriculture a connu quelque développement au sud du Harz (Süsser See).

5. Un pays urbanisé

La tradition urbaine remonte au Moyen Âge. L’industrialisation au XIXe siècle accélère l’urbanisation en lui donnant des aspects nouveaux, modernes. Traditionnellement, la législation confère aux communes une assez large autonomie. Tout au long du XIXe siècle, le processus de fusion de communes, pratiqué couramment, explique la croissance spatiale et démographique des villes. À la fin de la décennie 1960-1970 et au début de la décennie suivante, les Länder territoriaux ont mis en place une réforme administrative qui a été une véritable révolution. Le nombre de communes rurales (moins de 2 000 hab.) est tombé à 4 888. Celui des communes de plus de 2 000 habitants atteint 3 817 (tabl. 4). Seulement 6,1 p. 100 de la population vivent dans les communes rurales, contre 93,9 p. 100 dans les communes de plus de 2 000 habitants.

Administrativement, 3 817 communes ont le potentiel démographique pour être considérées comme villes. Dans la réalité, il en va un peu autrement. Sur le plan des fonctions, on peut évaluer à environ 3 000 le nombre des villes. Ce qui frappe, c’est qu’il existe douze villes de plus de 500 000 habitants qui se répartissent assez régulièrement sur le territoire fédéral. Mais, avec 481 000 habitants, Nuremberg peut être considéré comme une métropole régionale s’inscrivant dans la catégorie précédente. La classe de 200 000 à 500 000 habitants, avec 19 villes, est encore très représentative de la R.F.A. Toutefois, ces classements ne tiennent pas compte des agglomérations ou conurbations (Ballungszentren ). La plupart des villes ont vu le chiffre de leur population diminuer à partir de 1961: ainsi Stuttgart comptait 638 000 habitants en 1961, mais seulement 552 000 en 1988. Hanovre passe entre les mêmes dates de 573 000 habitants à 495 000. Des villes comme Düsseldorf, Francfort, Munich, Hambourg, Essen, Dortmund, Brême voient leur population municipale décliner. En revanche, Aix-la-Chapelle, Bochum, Augsbourg, Bielefeld, Brunswick, Karlsruhe, Leverkusen, Münster en Westphalie, Mayence, Sarrebruck, Wolfsburg, grâce aux fusions communales, connaissent un accroissement spatial et démographique. Il faut donc dans chaque cas étudier la situation propre à chaque ville. Après la période de reconstruction qui peut être considérée comme achevée au début des années soixante, le «miracle allemand» s’accompagne de l’expansion de l’automobile, entraînant un desserrement des villes. Les zones périphériques des villes sont envahies par des lotissements pavillonnaires ou des collectifs. Entre 1950 et 1964, on crée à Karlsruhe dix-huit lotissements. Au nord-ouest de Francfort, la Nord-Weststadt est construite pour 30 000 habitants. À Düsseldorf, le nouveau quartier Garath est destiné à accueillir une population identique. Le quartier de Perlach à Munich est prévu pour 100 000 habitants. Grâce au métro (U -Bahn ), il est intégré à la ville. Rares sont les grandes villes qui n’ont pas vu l’implantation de lotissements. Cependant, après 1960, la croissance de la ville centre a tendance à diminuer au profit des communes urbaines. La région urbaine est ainsi plus conforme à la réalité démographique.

La R.F.A. est de plus en plus l’expression des grandes agglomérations urbaines. Le grand degré d’autonomie des villes a abouti à la formation dans le centre des plus grandes d’entre elles d’une city , quartier d’affaires reflétant le pouvoir de décision de la ville. Peu nombreuses sont les villes de plus de 100 000 habitants qui n’ont pas un secteur industriel important. C’est en effet grâce aux taxes versées par ce dernier que les municipalités ont pu entreprendre une politique systématique dans les domaines scolaire, sportif, sanitaire, économique et culturel. Administrativement, les grandes villes sont des arrondissements urbains (Kreisfreie Städte ) ayant les compétences d’un arrondissement, ce qui fait qu’elles ont l’obligation de créer et de gérer un hôpital urbain et la caisse d’épargne.

Les sièges sociaux des grandes sociétés (konzerns) sont assez largement disséminés. Duisburg renferme les sièges sociaux de Thyssen et Klöckner. Essen abrite dans ses murs les sièges des sociétés Krupp, Hugo Stinnes, Rheinisch-Westfälisches Elektrizitätswerk (R.W.E.), de la Ruhrkohle A.G. et des grands magasins Karstadt (66 000 salariés). Francfort est le siège des sociétés Hoechst, Cassella, Degussa, A.E.G. (en partie à Berlin), sans parler des banques. À Stuttgart sont implantés les sièges d’entreprises de renommée mondiale: Bosch, Daimler-Benz, Porsche, Lorenz, Zeiss. Munich est le siège de fait de Siemens (en partie à Berlin), mais surtout de B.M.W., de Krauss-Maffei, de brasseries célèbres et de grandes banques. La ville compte 158 sociétés anonymes avec un capital voisin de 8 milliards de DEM. Cologne totalise plus de 200 sociétés par actions et 5 700 S.àR.L. Parmi les plus importantes S.A., on note: Ford, Rheinische-Braunkohlen-Werke, Klöckner-Humboldt-Deutz, Kaufhof, Lufthansa. Hambourg, la cité hanséatique, recense près de 200 sociétés anonymes et environ 10 000 S.àR.L. On pourrait continuer l’énumération pour les grandes villes. Mais même des villes moyennes abritent des sièges de sociétés importantes. Ainsi, le konzern Liebherr est resté à Biberach, sur la Riss (Bade-Wurtemberg); la célèbre société Hohner n’a même pas éprouvé le besoin de transférer son siège à Stuttgart. Elle reste fidèle à sa ville natale de Trossingen (Bade-Wurtemberg). La fabrique de porcelaine Rosenthal conserve son siège dans la petite ville de Selb (Bavière).

Le pouvoir de commandement des grandes villes est considérable. Essen, par l’intermédiaire de ses sièges sociaux, commande plus de 300 000 emplois. À Stuttgart, on dépasse ce chiffre rien qu’avec Daimler-Benz. En réalité, la ville commande à plus de 500 000 emplois industriels, alors qu’elle compte moins de 150 000 emplois industriels sur le territoire communal.

La puissance des villes s’exprime ainsi par la taille des entreprises qui y sont implantées. À Karlsruhe, grande ville moyenne à l’échelle de la R.F.A., on recense 8 entreprises employant plus de 1 000 salariés dont une de plus de 5 000. À Mannheim, on en compte respectivement 14 et 2, à Stuttgart, 24 et 3. Ces villes ne sont nullement des exceptions. Il n’est pas rare de trouver plusieurs établissements industriels de plus de 1 000 salariés dans des villes de 20 000 à 50 000 habitants. C’est la taille des usines qui détermine l’importance et l’ampleur des migrations de travail. Les statistiques montrent que plus de un salarié industriel sur cinq travaille à l’extérieur de sa commune de résidence.

Les budgets des villes contribuent au rayonnement de ces dernières. À population égale, les budgets urbains sont plus de deux fois plus élevés qu’en France.

Véritable entreprise économique, une ville peut créer des sociétés anonymes ou des S.àR.L. ou y participer. Ainsi, Nuremberg possède 50 p. 100 des actions de la S.àR.L. qui gère l’aérodrome, 50 p. 100 de la société du barrage de Franconie (électricité), 67 p. 100 de la Foire de Nuremberg, 57 p. 100 de la manufacture des Gobelins, 100 p. 100 des usines municipales. En effet, toutes les villes de quelque importance possèdent leurs Stadtwerke (usines municipales) gérées sous la forme d’une S.A. ou d’une S.àR.L. et dont le maire est le plus souvent le P.-D.G. Ces sociétés s’occupent des problèmes d’eau, d’électricité, de logements, de transports. Par l’intermédiaire de ses Stadtwerke, la ville de Stuttgart, associée aux sociétés émanant d’autres municipalités, gère deux centrales nucléaires construites sur le Neckar. Parmi les villes possédant le produit intérieur brut (P.I.B.) le plus élevé, on trouve: Francfort, Hambourg, Berlin, Düsseldorf, Stuttgart, Mannheim, Munich, Hanovre, Karlsruhe, Brême.

Les villes sont les grands centres d’emplois et les endroits où s’élabore le plus de valeur ajoutée. C’est dans les grandes villes que la proportion de produits exportés est la plus élevée. C’est pourquoi les autorités accordent toute leur attention au phénomène urbain. Les villes sont la base de la démocratie et de la prospérité de la R.F.A.

6. Un système bancaire décentralisé

Le système bancaire n’a cessé d’évoluer depuis la fondation des premières banques modernes du XIXe siècle. Il s’est largement adapté au système fédéral. Les instituts de crédit emploient plus de 611 000 salariés (1987). Le système général est celui de la banque universelle . Les caisses d’épargne ont le statut bancaire et peuvent réaliser toutes les opérations. Toutes les banques, sauf la Bundesbank (institut d’émission), sont de droit privé. On peut les regrouper en plusieurs catégories:

– Les grandes banques universelles: Deutsche Bank (43 000 salariés), Dresdner Bank (29 000 salariés) et Commerzbank (23 000 salariés). Elles sont actionnaires des grandes sociétés industrielles et commerciales.

– Les grandes banques régionales. Il s’agit de banques actives dans le cadre d’un Land ou d’une région économique. La Bayerische Vereinsbank (Munich) emploie 11 000 salariés. La Bayerische-Hypotheken und Wechselbank (Munich) en compte 10 500. La Baden-Württembergische Bank (Stuttgart) totalise 2 000 employés. À Oldenbourg, la Oldenburgische Landesbank, avec 2 300 salariés, fait fonction de banque régionale. Il en va de même de la Vereins-und-Westbank à Hambourg avec ses 4 300 employés.

– Les banques populaires (Volksbanken), créées par Schulze-Delisch au XIXe siècle, peuvent être considérées comme des banques régionales, bien que juridiquement elles aient le statut de banques coopératives. Elles se sont rapprochées du système bancaire Raiffeisen et constituent un des éléments originaux et dynamiques du système bancaire de la R.F.A. En 1986, on comptait 3 600 banques populaires et Raiffeisen ayant 15 979 guichets. Avec 19 802 points bancaires, elles possèdent le réseau bancaire le plus dense d’Europe. Ce système contribue pour 23 p. 100 au bilan de toutes les banques. Il s’adresse surtout aux classes moyennes. 54 p. 100 des crédits distribués le sont à long terme. Grâce à son implantation, le système banque populaire-banque Raiffeisen irrigue régions rurales et villes, notamment les petites et les moyennes.

– Les caisses d’épargne sont un autre aspect original du système bancaire de la R.F.A. qui les considère comme banque universelle. Elles sont implantées dans les villes et les campagnes. Elles collectent environ 50 p. 100 de l’épargne liquide et participent pour 39 p. 100 au bilan de tout le système bancaire. Ce dernier n’exclut pas les banques spécialisées: hypothécaires, import-export, etc.

Il convient de souligner que le système bancaire, largement décentralisé, touche les régions les plus reculées. Sa diversité fait que toutes les catégories socioprofessionnelles trouvent une banque adaptée à leurs besoins. La prospérité de la R.F.A. repose largement sur la variété et le dynamisme de son système bancaire. C’est ce système bancaire décentralisé qui a été introduit dans les cinq nouveaux Länder à partir de 1990.

On rencontre la même décentralisation sur le plan de l’organisation boursière. L’unicité de la cote n’existe pas. La législation concurrentielle s’applique aux Bourses, c’est-à-dire que l’État fédéral et les Länder sont compétents dans ce domaine. On compte huit Bourses: Francfort, la plus importante, Düsseldorf, qui suit de près, Hambourg, Munich, Brême, Hanovre, Stuttgart et Berlin-Ouest. Elles contribuent au financement des entreprises régionales.

7. L’industrie

Sur le territoire des onze Länder

L’industrie dans les onze anciens Länder employait en 1988 (avec le bâtiment) 41,8 p. 100 des salariés (44 p. 100 en 1982). Elle ne fournit que 41 p. 100 du produit intérieur brut (P.I.B.), contre 58 p. 100 en 1970. Cela ne signifie point un déclin, mais s’explique par le formidable essor des activités tertiaires (dont les activités culturelles).

Les structures industrielles

Les 1 052 établissements industriels qui emploient plus de 1 000 salariés ne regroupent que 2,2 p. 100 de tous les établissements, mais emploient 37 p. 100 de tous les salariés (en 1987). De 1982 à 1989, le nombre des actifs industriels est passé de 8,8 à 8,3 milliards de salariés. En revanche, l’indice de la production industrielle a grimpé de 102 p. 100 en 1982 (l’indice 100 correspond à 1980) à 146,6 p. 100 en 1988. Les gains de productivité ont été importants, sans compter le fait que la R.F.A. a investi dans de nombreux pays du monde entier. Le konzern est la forme typiquement allemande de la concentration. Celle-ci peut être verticale ou horizontale. Le konzern Krupp a des intérêts dans plus de 130 sociétés en Allemagne et à l’étranger; dans plus de 60 d’entre elles, il possède la totalité des actions. Il a abandonné le secteur charbonnier à la Ruhrkohle A.G. et s’est considérablement diversifié. Thyssen est un konzern centré sur la sidérurgie (30 p. 100 de la fonte, 25 p. 100 de l’acier de la R.F.A.), mais a des intérêts dans une cinquantaine d’autres sociétés. Il possède près des deux tiers du capital des chantiers navals Blohm und Voss (Hambourg). Siemens domine l’électrotechnique (en 1988, plus de 365 000 salariés en R.F.A. et à l’étranger). Sa filiale K.W.U. est spécialisée dans la construction de centrales nucléaires. Son rival A.E.G., après une période de difficultés, a dû réduire considérablement ses effectifs. Deux konzerns illustrent le secteur automobile: Daimler-Benz, dont les effectifs approchent 380 000 salariés (après le rachat de A.E.G. et d’autres sociétés), et Volkswagen. Le premier a fait de Stuttgart la capitale allemande de l’automobile, le second a conservé son siège à Wolfsburg malgré la proximité de la frontière avec la R.D.A. La chimie est dominée par les trois grands: B.A.S.F. avec plus de 115 000 salariés dont près de 50 000 dans l’usine de Ludwigshafen, la plus grande du monde; Bayer est installé sur le Rhin à Leverkusen, au nord de Cologne, et élabore, entre autres, des produits pharmaceutiques (environ 180 000 salariés); Hoechst (Francfort) est de la même taille que Bayer.

Chaque secteur est représenté par l’un ou l’autre konzern. Robert Bosch a une situation dominante (plus de 100 000 salariés) dans les équipements automobiles et ménagers. Veba, à capitaux d’État (usines héritées de l’époque national-socialiste), est le premier dans le domaine énergétique suivi par R.W.E. (électricité). Il en va de même pour Preussag dans les branches concernant l’équipement. Le domaine de la technique du froid et de la chaleur est illustré par Linde (Wiesbaden). Dans le domaine aéronautique et astronautique, le konzern Messerschmitt-Bolkow-Blohm (racheté par Daimler-Benz), quoique une simple S.àR.L., emploie plus de 38 000 salariés. Son siège est à Ottobrunn, au sud-est de Munich. Il participe à la fabrication de l’Airbus. C’est aussi un producteur d’armements, tout comme son voisin munichois, la société Krauss-Maffei, constructeur du célèbre char Léopard 2 en commun avec Krupp. Pour la construction du Léopard, Krauss-Maffei sous-traite avec 1 500 firmes.

On n’a donné qu’un échantillon de quelques secteurs. L’industrie de la R.F.A. est capable de produire tous les objets ou équipements, à l’exception de ceux qui lui sont interdits par les traités internationaux imposés par la défaite du IIIe Reich. Une des caractéristiques principales de l’industrie est le fort taux d’investissement, et notamment dans la recherche; si bien que les sociétés lancent de très nombreux produits sur le marché. Par exemple, B.A.S.F. réalise 35 p. 100 de son chiffre d’affaires grâce à des produits élaborés depuis moins de dix ans. L’industrie de la R.F.A., ce sont aussi des milliers de P.M.I. dont beaucoup sont actives à l’exportation.

Les principales branches industrielles

L’extraction de charbon et de lignite ne retient plus que 2 p. 100 de tous les travailleurs. La sidérurgie, autre base traditionnelle de l’industrie allemande, n’en emploie guère plus (1990). Le chiffre d’affaires de ces deux branches, jadis fondamentales, ne représente plus que 4,3 p. 100 du chiffre d’affaires de toute l’industrie. L’Allemagne contemporaine se caractérise par des industries technologiques très avancées. En tête viennent les industries de biens d’investissement qui représentent 45,5 p. 100 de tous les actifs industriels (tabl. 5; en 1982, 41,8 p. 100), et 39,4 p. 100 du chiffre d’affaires industriel (1982: 33,5). De 1982 à 1989, le nombre des actifs industriels est passé de 8,8 à 8,3 millions, mais la productivité a été considérablement augmentée. Cette branche rassemble 3,8 millions de travailleurs. Dans ce groupe, il faut souligner le secteur «construction de machines» qui emploie près de un million de travailleurs. C’est le point fort de l’économie et des exportations allemandes. En dehors des firmes comme Krupp Demag, Klöckner-Humboldt-Deutz, M.A.N., Pfaff, il s’agit avant tout de petites et de moyennes entreprises qui structurent les villes et les régions. On en compte 5 350 pour toute l’ancienne R.F.A. L’électronique et l’électrotechnique, en 1990, précèdent le Maschinenbau (construction de machines) avec 1,03 million de salariés. Siemens, A.E.G., Brown Bovery, Nixdorf illustrent ce secteur. En troisième position dans le secteur des biens d’investissement, on trouve l’industrie automobile avec 800 000 salariés. Volkswagen (Wolfsburg) arrive en tête, suivi de près par Daimler-Benz. L’industrie automobile a connu une concentration considérable. Elle est devenue aussi une industrie de montage. À côté des deux grands déjà cités, il faut encore évoquer B.M.W. (Munich), Ford (Cologne), Opel (Rüsselsheim et Bochum) et Porsche (Stuttgart). L’industrie automobile (avec la réparation) rassemble environ 2 800 établissements disséminés sur tout le territoire dont 1 100 ont plus de 50 salariés.

Les industries de base et de biens de production viennent au deuxième rang avec un total de 1,4 million de travailleurs, soit 16,7 p. 100 des effectifs industriels. L’industrie chimique, avec plus du tiers des effectifs, domine cette branche. Elle est représentée par les trois grands: Bayer, B.A.S.F., Hoechst. Mais des noms comme Schering (pharmacie), Cassella (peinture), Chemische-Werke-Hüls (17 000 salariés; produits de base) ont une place non négligeable dans la production. L’industrie pharmaceutique est la troisième du monde, après celle des États-Unis et du Japon, pour la production (12 p. 100 de la production mondiale), mais la première pour les exportations de produits (23 p. 100 des exportations mondiales). L’industrie chimique se caractérise par de gros établissements; on en compte 104 de plus de 1 000 salariés qui totalisent 370 000 travailleurs. La sidérurgie emploie un peu moins de 200 000 salariés en 1991, contre 362 000 en 1962. Thyssen, Hoesch, Klöckner, Krupp, Salzgitter, Mannesmann réalisent l’essentiel du chiffre d’affaires de la branche. L’industrie des biens de consommation arrive en troisième position avec près de 1,3 million de salariés (textiles, matières synthétiques, travail du bois, confection, industries graphiques, papier et carton, par ordre décroissant).

L’industrie alimentaire constitue la quatrième grande branche industrielle avec 4 700 établissements rassemblant un peu plus de 500 000 emplois, c’est-à-dire plus qu’en France. La petite et la moyenne entreprise dominant, seulement une trentaine d’établissements emploient plus de 1 000 salariés. On recense environ 500 brasseries, dont seulement quatre ont plus de 1 000 employés. Beaucoup de sociétés sont des S.àR.L. et non des sociétés anonymes. C’est le cas de Bahlsen (Hanovre, biscuiterie) dont la société compte environ 7 000 travailleurs. L’industrie alimentaire est présente partout: dans les régions agricoles (Börden), dans les villes et dans les ports.

Dans les cinq nouveaux Länder

L’industrie est une grande tradition, mais remise en cause par la réunion des deux États. En raison de la situation fluctuante en 1991 (chômage croissant), on se contentera de rappeler la situation à la veille de l’ouverture du Mur de Berlin.

L’industrie, une grande tradition

L’industrialisation avait gagné précocement les régions méridionales, notamment les montagnes. Lorsque la R.D.A. est créée, elle hérite d’un passé industriel riche et varié. À part quelques créations récentes, l’essentiel des localisations industrielles relève de l’héritage capitaliste, ce qui pose le problème de l’adaptation aux structures socialistes. En 1947, alors que la reconstruction bat son plein, l’industrie lourde, les mines et les banques sont déclarées, en Saxe, propriété du Land (Landeseigen ). Peu de temps après, elles sont proclamées bien du peuple (Volkseigen ). Dans le cadre d’une Allemagne unifiée, la partie orientale s’était vu attribuer des fonctions précises. Ces liens sont brisés avec la partition. En dehors du petit gisement houiller de Zwickau (2 millions de tonnes par an), aujourd’hui abandonné, l’ex-R.D.A. ne dispose sur le plan énergétique que de lignites. D’origine tertiaire, les lignites ont été accumulés dans d’énormes dépressions situées à l’est de l’Elbe, dans la haute et la basse Lusace et à l’ouest de l’Elbe, entre Bitterfeld au nord et Meuselwitz au sud. La surface totale des gisements s’étend sur 563 000 hectares. Les réserves sont estimées à 40 milliards de tonnes; 25 milliards de tonnes au moins sont exploitables, dont 92 p. 100 à ciel ouvert. À certains endroits (Geiseltal), les veines peuvent dépasser 100 mètres d’épaisseur. Les trente sièges d’extraction occupent 28 000 salariés. Plus de 80 p. 100 de l’énergie électrique produite dans le pays viennent des lignites. L’usine de Boxberg (district de Cottbus) a une puissance installée de 3 520 MW et figurait parmi les plus puissantes du monde avant la construction des centrales nucléaires. L’exploitation pose d’importants problèmes, notamment d’environnement, les lignites étant situés sous les sols lœssiques les plus riches. Il faut récupérer ces derniers pour les mettre à nouveau en culture. Mais l’exploitation entraîne une perte de substance. Les creux sont aménagés soit en terres agricoles, plus basses qu’auparavant, soit en zones de loisirs, soit encore ils sont reboisés. La circulation souterraine et subaérienne des eaux est, en de nombreux endroits, perturbée. Des dizaines de communes, avec leurs habitations, leurs usines et leurs églises, ont été détruites et doivent être reconstruites, ce qui augmente le coût de l’extraction. Mais les lignites sont la seule énergie nationale. La production a été de 247 millions de tonnes en 1976 et de 267 millions de tonnes en 1981. Le combustible sert à fabriquer de l’électricité ainsi qu’à assurer le chauffage domestique (briquettes, 50 millions de t). On en tire aussi du coke sidérurgique (5,5 millions de t). En hiver, l’odeur âcre de la combustion des lignites pèse sur toutes les villes de l’ex-R.D.A.

Sur le plan de l’aménagement régional, l’extraction des lignites a donné lieu à la création d’un véritable complexe industriel. Le combinat Schwarze Pumpe, près de Cottbus, repose sur l’extraction des lignites (35 millions de t par an), une briqueterie, une centrale thermique, une cokerie.

La localisation des gisements de lignites dans le Sud consolide les implantations industrielles dans cette région. Le système énergétique monolithique a incité les responsables à développer l’énergie nucléaire. C’est à Rhenssberg, près de Greifswald, qu’on a construit en 1966 la première centrale nucléaire, de technologie soviétique. Sa puissance initiale de 70 MW a été portée à 3 520 MW. Sur une production d’électricité de 101 milliards de kilowattheures (1981), 12 proviennent des centrales nucléaires.

Le sous-sol de l’ex-R.D.A. est riche en sel et en potasse, notamment autour du Harz (Stassfurt, Sondershausen, Rossleben, Langensalza). À certains endroits, les couches de sel (diapirs) sont proches de la surface, ce qui facilite l’extraction. La présence de nombreuses sources salées, exploitées depuis longtemps par le thermalisme, a été un révélateur de l’existence du sel (Bad Salzungen, Bad Langensalza, Bad Franken Hausen). Le bassin de Thuringe (Kalikombinat Werra) fournit plus de 50 p. 100 de la production de sels; celle-ci approche 3 millions de tonnes. La R.D.A. produisait 3,5 millions de tonnes d’engrais potassiques.

La sidérurgie dans l’optique socialiste était une des industries les plus importantes, servant de base de diversification. La moyenne montagne (Harz, forêt de Thuringe, Erzgebirge) a été le foyer historique de cette activité. De la montagne, la sidérurgie a glissé au XIXe siècle vers l’avant-pays. Toutefois, avant l’instauration du socialisme, la sidérurgie avait évolué, concurrencée par celle de la Ruhr. En outre, les gisements de minerais n’étaient pas à l’échelle d’une industrie de masse. Dans le cadre de l’économie socialiste et notamment du Comecon, la sidérurgie s’est installée soit à proximité des centres de consommation de produits, soit à proximité des frontières afin de diminuer le coût du transport du minerai (provenant de KrivoïRog en U.R.S.S.) et du charbon à coke importés. Manquant de minerai de fer, la R.D.A. n’a guère développé la filière fonte. La production de cette dernière ne s’élevait qu’à 2,5 millions de tonnes par an. Le principal centre sidérurgique, Eisenhüttenstadt, produisait à lui seul deux tiers de la fonte du pays et comptait d’importantes aciéries. Les autres centres sidérurgiques sont à Riesa (au nord de Dresde), à Freital (au sud de Dresde), à Grödlitz (au nord-est de Riesa), à Brandebourg (sur la Havel), à Hennigsdorf (au nord-ouest de Berlin-Ouest), à Unterwellenborn (fonte, Thuringe) et à Calbe (fonte, au sud de Magdebourg). Au total, la production de laminés dépasse 5 millions de tonnes.

L’industrie chimique remonte à la fin du XIXe siècle. Avec seulement 10 p. 100 des salariés, elle élabore environ 15 p. 100 du produit intérieur brut: elle repose sur les matières premières nationales, lignites, potasse, sel, mais aussi sur le gaz et le pétrole importés d’Union soviétique.

Le centre de l’industrie chimique se trouve dans la région de Halle, Leipzig, où cinq grands complexes marquent profondément les paysages: Leuna-Werke, combinat Bitterfeld, Buna-Werke, Farbenfabrik Wolfen et l’usine de fabrication d’azote de Piesteritz. L’arrivée du pétrole soviétique a permis de diversifier la production. Celui-ci est aussi à l’origine du complexe chimique de Schwedt, sur l’Oder, au nord-est de Berlin. À côté de ces gigantesques complexes, l’industrie chimique, spécialisée, se trouve dans des villes comme Coswig, Calbe, Eilenburg, Karl-Marx-Stadt, Berlin, Riesa, Wilhelm-Pieck-Stadt-Guben, Magdebourg, Premnitz, Rudelstadt-Schwarza. Le Volkseigener Betrieb Ienapharm, entreprise nationale installée à Iéna, est, avec 2 500 travailleurs, la plus grosse unité de fabrication de médicaments. Après Iéna, Dresde est le second centre pharmaceutique.

En raison de son avance industrielle, la R.D.A. s’était vu attribuer, dans le cadre du Comecon, une spécialisation incontestable dans le domaine de la chimie. L’évolution de ses approvisionnements, cependant, l’a rendue de plus en plus dépendante de l’U.R.S.S.

La métallurgie de transformation est une très vieille activité. Il s’agissait d’abord, après 1945, de reconstruire le pays et de remplacer les matériels pris par les Soviétiques au titre du «démontage». Par la suite, les plans quinquennaux ont favorisé cette branche qui alimente un fort courant d’exportation. L’industrie automobile avait commencé très tôt à Chemnitz (Karl-Marx-Stadt). Les principales usines se trouvaient à Eisenach et à Zwickau pour les voitures de tourisme et à Werdau (près de Zwickau), Zittau et Hainichen (près de Karl-Marx-Stadt) pour les camions. La production restait volontairement modeste (180 000 voitures particulières, 39 000 véhicules utilitaires). Les délais d’attente pour acquérir une voiture étaient de plusieurs années.

La branche «construction de machines» est le secteur le plus important; elle emploie plus de 900 000 salariés et réalise près du quart de la valeur de la production industrielle. Pratiquement, toutes les villes de quelque importance ont une ou plusieurs usines de cette branche, mais Magdebourg, l’ex-Berlin-Est, Dresde, Leipzig, Halle arrivent en tête.

L’électrotechnique, avec plus de 400 000 salariés, élabore 10 p. 100 de la production industrielle. C’est d’abord une tradition berlinoise; la ville réalise près du tiers de la production de la branche. Le combinat Zentronik (électronique) est implanté à Zella-Mehlis et à Chemnitz (ex-Karl-Marx-Stadt). L’industrie de Dresde est largement orientée vers l’informatique et la robotique (V.E.B. Robotron, Pentacon...).

L’industrie photographique avait déjà fait la réputation de la Saxe avant 1939. Le V.E.B. Carl Zeiss de Iéna emploie près de 20 000 salariés, dont un dixième de chercheurs.

L’industrie textile est une des plus anciennes activités «industrielles». On la trouvait dans les districts montagneux du Sud dès le XVIe siècle. Elle était liée à la culture du lin, à l’élevage du mouton, à la qualité de l’eau et, plus récemment, aux importations de coton. C’est au XVIIIe siècle qu’on introduisit les nouveaux métiers à tisser les bas dans la région de Chemnitz et en Thuringe occidentale. Les premières machines à vapeur furent introduites dans les usines textiles de Berlin, Cottbus et Guben dès 1818. La naissance de cette industrie est liée à l’expansion de Berlin au XIXe siècle. Avant 1945, l’industrie textile avait l’Allemagne entière comme marché. La partition de 1945 enleva une part importante de ce dernier. Les fournitures de tissus aux pays socialistes ont pris, partiellement, le relais. L’U.R.S.S. fournit le coton et reçoit en échange une partie des tissus fabriqués. Les fibres synthétiques viennent renforcer l’industrie textile. L’essentiel de cette dernière se trouve concentré dans les districts méridionaux, surtout en Saxe, autour de Zittau, Grossenhain, Leipzig, Chemnitz (ex-Karl-Marx-Stadt), Plauen. Le seul grand centre localisé hors de la Saxe historique est Mühlhausen. Le district de Chemnitz fournit à lui seul plus de 50 p. 100 de la production totale du pays. L’industrie textile emploie plus de 200 000 personnes.

L’industrie alimentaire peut également invoquer de vieilles traditions. Ses effectifs ont progressé de plus de 20 p. 100 depuis 1967. Ils approchent de 300 000 salariés. En valeur, la production représente plus du triple de celle du textile. Historiquement, l’industrie alimentaire s’est développée dans les Börden et à Berlin. C’est là qu’on trouve les usines liées aux produits locaux: raffineries de sucre (de betterave), minoteries, biscuiteries, brasseries, féculeries, distilleries. On comptait, en 1885, sur le territoire qui sera la R.D.A. 188 raffineries de sucre brut et blanc. Grosses consommatrices de sucre, les chocolateries s’établissent dans les mêmes régions. Les districts de Halle et de Magdebourg arrivent en tête de toute la branche. Les quelque 700 établissements industriels élaborent 18 p. 100 de la valeur totale de la production industrielle. Représentée par des établissements de moyenne importance, cette branche se classe au deuxième rang après la construction de machines et avant la chimie.

Un premier bilan

L’unification des deux États allemands semble poser plus de problèmes que prévu. En 1991, on compte plus de 1 million de chômeurs totaux et près de 1,8 million de chômeurs partiels. Ces chiffres risquent d’augmenter. La vétusté des équipements et la faible productivité aggravent la situation. Les établissements les plus vétustes, et ils sont nombreux, et les plus polluants ont été fermés, ou devront l’être. Le rôle des lignites a déjà reculé et reculera encore (pollution). La centrale nucléaire de Greifswald, équipée de réacteurs soviétiques (cf. Tchernobyl), a été arrêtée. Le gouvernement fédéral a constitué un Office de tutelle (Treuhandanstalt, dont le siège se trouve dans l’ancien Berlin-Est) pour régler les problèmes de transmission, de transformation et de transfert des anciens établissements socialistes. Cela pose d’innombrables problèmes juridiques (anciens propriétaires). Les grands konzerns allemands ont acquis un certain nombre d’établissements (Daimler-Benz, Volkswagen, Siemens, A.E.G., Villeroy-Boch...). Les capitaux étrangers ne s’élèvent qu’à 5 p. 100 de tous les investissements réalisés jusque-là (1991) parmi lesquels 20 p. 100 sont français (Ciments Lafarge, Porcelaine de Meissen acquise par un groupe français). Le gouvernement fédéral pousse à la recréation de P.M.E.-P.M.I. Cette action a une finalité politique: il s’agit de reconstituer les classes moyennes. L’ex-R.D.A. traverse une période difficile, mais les facteurs favorables à la solution des problèmes sont nombreux: vieille tradition industrielle, bonne structure urbaine, bonne formation des habitants, esprit protestant, niveau culturel élevé. L’effort du gouvernement fédéral est considérable: en 1992, celui-ci, à travers le budget fédéral, injecte 140 milliards de DEM dans l’économie des cinq nouveaux Länder.

Le problème énergétique

Avant la guerre de 1914-1918, l’Allemagne tirait la quasi-totalité de son énergie du charbon exploité sur son territoire. À présent, il n’en est plus ainsi (tabl. 6), bien que les réserves de houille soient évaluées à plus de 23 milliards de tonnes. Sur les 30 sièges (173 en 1957) d’extraction, 21 sont situés dans la Ruhr, 6 en Sarre, 2 à Aix-la-Chapelle, 1 à Ibbenbüren. Sur 71 millions de tonnes extraites en 1989, 56 millions viennent de la Ruhr et 9,5 de la Sarre. Près de 50 p. 100 sont des charbons gras, 32 p. 100 des flambants. À la suite du recul de la sidérurgie, la production de coke a diminué: 11 millions de tonnes en 1989 contre 42 millions de tonnes en 1957. Malgré sa richesse en charbon, la R.F.A. en importe à meilleur marché: 8,2 millions de tonnes en 1989 (Afrique du Sud, Pologne, essentiellement). Le charbon importé ravitaille, en partie, les centrales thermiques littorales. Les exportations de coke sont tombées à 4,5 millions de tonnes en 1989. Les effectifs de salariés des mines de houille ont été réduits à 138 000 en 1989. Ils étaient de 607 000 en 1957. Les effectifs dans la Ruhr étaient de 275 000 en 1965; ils sont tombés à 108 000 en 1989.

L’ancienne R.F.A. possède aussi d’importants gisements de lignites (Braunkohle ). Les principaux lieux d’extraction sont situés en Rhénanie-du-Nord - Westphalie (entre Cologne et Aix-la-Chapelle) et produisent
(1989) 109 millions de tonnes, dont 104 millions de tonnes en provenance de Rhénanie-du-Nord - Westphalie. L’exploitation se fait à ciel ouvert. La quasi-totalité de la production sert à fabriquer de l’électricité, qui revient moins cher que l’électricité d’origine nucléaire. Une faible partie sert à la fabrication de briquettes.

Le pétrole est extrait dans la plaine du Nord (région de Celle) et un peu dans le fossé rhénan (production totale 5,5 millions de tonnes en 1989). Le gaz naturel est extrait dans la plaine du Nord à proximité des Pays-Bas. La production s’élève à 18,3 milliards de mètres cubes. L’énergie hydraulique est insignifiante. La R.F.A. a décidé en 1980 et jusqu’en 1995 de transformer annuellement 47,5 millions de tonnes de houille en électricité. Les produits pétroliers sont imposés d’une taxe destinée à financer l’extraction de la houille. Malgré cela, le bilan énergétique reste déficitaire. Les ressources nationales ne fournissent plus que 35 p. 100 (1989) de la consommation nationale. L’énergie nucléaire (électricité) est presque intégralement importée.

La R.F.A. est le quatrième consommateur d’électricité dans le monde, après les États-Unis, l’U.R.S.S. et le Japon. En 1989, la consommation a porté sur 440 milliards de kilowattheures, dont 29,5 p. 100 en provenance du charbon, 18,8 p. 100 des lignites, 7,8 du gaz, 2,2 du pétrole, 4,3 de l’hydrologie, 3,3 de ressources diverses, mais 34,1 p. 100 d’origine nucléaire, presque exclusivement dus aux importations.

D’une manière générale, la production et la distribution d’énergie sont entre les mains du secteur privé. La Rheinisch-Westfälisches Elektrizitätswerk regroupe certains Länder et communes et produit près de la moitié du courant électrique.

8. Les transports

Une infrastructure remarquable en Allemagne de l’Ouest

Dans le cadre de la reconstruction après 1945, la R.F.A. a donné la priorité aux infrastructures de transports utilisables par les secteurs de l’économie.

La longueur du réseau ferroviaire de la R.F.A. est de 31 497 kilomètres, dont 28 497 kilomètres pour la Bundesbahn; c’est-à-dire 1 kilomètre de voie ferrée pour 7,8 kilomètres carrés. Elle a un des parcs de
locomotives et de wagons les plus importants du monde, le premier d’Europe. Les chemins de fer ont transporté 1,1 milliard de personnes en 1988 et 307 millions de tonnes de marchandises, en régression par rapport aux années précédentes du fait de la crise.

Pour le trafic des passagers, les grandes villes sont reliées entre elles par des trains Inter-City (I.C.-Züge) roulant à environ 150 kilomètres/heure de moyenne. Le premier T.G.V. allemand (I.C.E., Inter-City-Express) est entré en service en 1991. Les grandes usines ont leurs raccordements privés. La voie ferrée joue un rôle capital pour l’industrie. Elle contribue aussi à la mobilité de la main-d’œuvre. Des gares comme Sarrebruck, Karlsruhe, Mannheim, Coblence voient passer chaque jour plus de deux cents trains dans chaque sens. Le rail continue à jouer un rôle économique important malgré la concurrence des autres moyens de transport de masse. Avec 276 000 salariés en 1988, les chemins de fer constituent un employeur de première importance.

En 1988, plus de 3,1 milliards de tonnes de marchandises ont été transportées, tous secteurs confondus. En excluant les transports routiers à courte distance, la répartition par secteur est la suivante: rail 28 p. 100, route 33,5 p. 100, navigation fluviale 20 p. 100, navigation maritime 13 p. 100, navigation aérienne 0,5 p. 100, oléoducs 5 p. 100 (tabl. 8).

Le réseau routier est un des meilleurs du monde. On compte plus de 172 000 kilomètres d’autoroutes, de routes nationales ou départementales, soit 1 kilomètre de voie pour 1,5 kilomètre carré.

Le réseau autoroutier a été créé à l’époque national-socialiste, mais il a surtout été développé après 1945. En 1991, la nouvelle Allemagne a plus de 10 750 kilomètres d’autoroutes, dont environ 1 855 dans l’ex-R.D.A. Cela fait 1 kilomètre d’autoroute pour 29 kilomètres carrés dans les onze anciens Länder, contre 1 kilomètre pour 58 kilomètres carrés dans les cinq nouveaux Länder. Toutes les autoroutes sont sans péage et, de ce fait, elles jouent un rôle fondamental dans l’aménagement du territoire, notamment pour les régions rurales. Selon les plans d’aménagement, aucune commune ne doit être à plus de trente minutes d’un accès autoroutier par camion. En moyenne, on construit chaque année plus de 200 kilomètres d’autoroutes. Vu l’ancienneté du réseau, on en répare une longueur

Le réseau de navigation intérieure n’a cessé d’être amélioré. Il bénéficie de conditions climatiques relativement favorables, grâce à la prédominance du climat tempéré. Sa longueur est de 4 456 kilomètres, soit 1 kilomètre pour 56 kilomètres carrés (tabl. 9). Toutefois, sa valeur est inégale. Le trafic se concentre sur les rivières ou les canaux dont la capacité est la plus élevée, plus de 1 000 tonnes (tabl. 10).

À part la Bavière (où le Danube a été toutefois partiellement aménagé), aucune grande région n’est très éloignée d’une voie d’eau, même pas le Mittelgebirge. Le réseau fluvial rattache la R.F.A. aux réseaux français, hollandais, voire belge. La canalisation de la Moselle a été achevée sur le plan international en 1963 et permet la liaison Ruhr (charbon) - Lorraine (sidérurgie).

La construction du canal latéral à l’Elbe a été réalisée pour éviter le passage par la R.D.A. lorsque celle-ci existait encore. Il s’agissait de ne pas rendre tributaire des autorités est-allemandes la vie du complexe industriel Wolfsburg-Salzgitter. Avec la réunion des deux États allemands, la navigation sur l’Elbe va connaître une véritable renaissance. L’achèvement de la liaison Rhin-Main-Danube est prévu pour 1992. Elle a une importance européenne, rattachant l’Autriche au réseau fluvial allemand. La canalisation de la Sarre a été achevée en 1989.

La flotte fluviale, importante, comprend environ 3 000 péniches à moteur, 450 remorqueurs et pousseurs, et plus de 2 100 péniches sans moteur, barges et gabares.

Chaque rivière navigable connaît la navigation de plaisance. Les canaux sont aménagés à des fins de loisirs. Au total, on recense 590 navires à passagers dont certains (sur le Rhin) peuvent transporter 3 000 personnes.

L’économie de la R.F.A. est ouverte sur l’outre-mer. Flotte marchande et ports maritimes sont d’importants facteurs économiques. Le tonnage de la flotte allemande se monte à 8 millions de tonnes pour environ 1 900 bateaux. Ces derniers sont relativement récents: un tiers de la flotte a été construit après 1972. Le trafic portuaire se chiffre à environ 150 millions de tonnes, dont plus des neuf dixièmes pour les ports de la mer du Nord. Hambourg, avec plus de 60 millions de tonnes, arrive largement en tête. Son trafic est composé de marchandises diverses, dont peu de pétrole. En revanche, Wilhelmshaven (32 millions de tonnes) est un port pétrolier, par où transitent aussi des minerais. Le complexe Brême-Bremerhaven (25 millions de tonnes) arrive au troisième rang. Le trafic est très diversifié (matières premières, produits alimentaires, produits finis à l’exportation). Sur la Baltique, c’est l’ancienne «reine de la Hanse», Lübeck, qui joue le rôle le plus important. Mais la proximité de la R.D.A. n’incitait pas aux échanges (trafic: 10 millions de tonnes en 1987). En revanche, le trafic des passagers est important.

La R.F.A., cependant, n’a pas le trafic maritime qu’on pourrait attendre d’une grande nation industrielle. En réalité, elle vit en symbiose avec les bouches du Rhin, aux Pays-Bas. En effet, on peut considérer que Rotterdam est le plus grand port allemand, grâce au Rhin (pipelines avec l’arrière-pays).

Malgré l’exiguïté du territoire, la navigation aérienne joue un rôle vital. La R.F.A. compte onze aéroports internationaux (Hambourg, Hanovre, Brême, Düsseldorf, Cologne-Bonn, Francfort, Stuttgart, Nuremberg, Munich, Berlin-Ouest, Sarrebruck). Le trafic des passagers, en 1988, concernait 67 millions de personnes. Francfort, avec 25 millions de passagers, est considéré comme le deuxième aéroport européen (après Londres-Heathrow). Il en va de même pour le fret (1,2 million de tonnes). Il faut souligner qu’aussi longtemps qu’a duré la partition de l’Allemagne aucune compagnie aérienne ouest-allemande n’avait le droit de desservir Berlin-Ouest. La réunion des deux États a permis à la compagnie Lufthansa d’étendre son réseau à l’ex-R.D.A. Cette dernière n’avait qu’un aéroport important: Berlin-Schönefeld. Düsseldorf (11 millions de passagers) est le deuxième aéroport; il dessert notamment la Ruhr.

L’héritage socialiste dans les cinq nouveaux Länder: un système de transport continental

Sur le plan du système des transports, les différences avec la partie occidentale sont très grandes. Le réseau ferré est long de 14 200 kilomètres, ce qui représente environ 1 kilomètre de voie ferrée pour 7,6 kilomètres carrés. Les routes nationales et départementales (Bezirksstrassen ) totalisent 27 500 kilomètres, soit 1 kilomètre pour 3,9 kilomètres carrés de territoire. Les routes communales, généralement mal entretenues, représentent 72 000 kilomètres, soit 1 kilomètre de voie pour 1,5 kilomètre carré. L’entretien de ce dernier réseau améliorerait considérablement la situation des campagnes. Le réseau autoroutier comporte 1 855 kilomètres de voie. Les voies d’eau totalisent 2 538 kilomètres, mais ne permettent la navigation qu’aux gabarits inférieurs à 1 000 tonnes (Elbe). Le trafic fluvial ne dépasse guère 15 millions de tonnes et le trafic maritime est même inférieur. Plus de 55 p. 100 du trafic se fait par chemin de fer, environ 30 p. 100 par la route. Les pipelines réalisent 6 p. 100 environ du trafic. On peut en conclure que le système de transport est plutôt continental, se rapprochant plus de celui de l’U.R.S.S. que de celui des onze Länder de l’Ouest.

9. Les aspects régionaux

L’Allemagne du Sud, la Bavière

L’Allemagne du Sud correspond essentiellement à la Bavière (70 546 km2; 10,96 millions d’habitants). Celle-ci n’est homogène ni sur le plan physique ni sur le plan ethnique. Si le Sud et l’Est sont peuplés de Bavarois, les districts d’Unterfranken (Aschaffenburg), Mittelfranken (Nuremberg), Oberfranken (Bayreuth) sont habités par les Franconiens, alors que le district occidental de Schwaben (Augsbourg) appartient au domaine souabe. Tandis que la Bavière historique est catholique, la Franconie est terre protestante par excellence.

Les Préalpes sont bavaroises. Les Allgäuer Alpen, à l’ouest, constituent une grande région agricole et fromagère (Käse Küche Deutschlands ), ainsi qu’une grande région touristique. Plus à l’est, la montagne est plus sauvage. L’économie d’alpage (Almwirtschaft ) l’emporte, ainsi que, surtout, le tourisme et les loisirs, du fait de la proximité de Munich. À l’est, dans les Alpes de Berchtesgaden, les reliefs calcaires donnent des paysages sauvages, peu favorables à l’agriculture, mais attractifs sur le plan touristique. Les Alpes bavaroises forment une grande région de tourisme présentant un grand nombre de stations réputées: Oberstdorf, Garmisch-Partenkirchen, Berchtesgaden, Mittenwald. Il s’y ajoute les stations thermales de Bad Reichenhall, Bad Aibling, Bad Tölz, Bad Wiessee. Les célèbres châteaux construits par Louis II (Neuschwanstein et Hochenschwangau) attirent près de 2 millions de visiteurs. Au total, la haute Bavière reçoit environ 6 millions de touristes par an.

La montagne s’oppose à l’avant-pays agricole. Le plateau bavarois est une riche zone agricole. Le Hallertau, au sud d’Ingolstadt, est réputé pour son houblon. Ailleurs, la polyculture domine. Elle est orientée vers l’élevage (lait et viande). Les régions rurales restent vivantes, les villages sont bien entretenus et cossus. Sur le plateau franconien, la polyculture intensive est l’expression de fortes densités démographiques; la taille des exploitations est petite, mais il n’a jamais existé de prolétariat agricole, comme dans des régions agricoles à structures contrastées. Le vignoble bavarois se répartit entre la vallée du Main et les bords du lac de Constance (5 000 ha). Les massifs périphériques (Bayerischer Wald, Oberpfalzer Wald, Fichtelgebirge, Frankenwald) sont à la fois touristiques, industriels et agricoles. C’est dans le Fichtelgebirge que se trouvent les plus importantes fabriques de porcelaine de l’ancienne R.F.A. L’abondance de kaolin explique l’essor des usines à Schirnding, Hohenberg et Arzberg. Les marques Rosenthal et Hutschenreuther ont une renommée mondiale. L’industrie du verre et du cristal a fait la célébrité du Bayerischer Wald (Zwiesel). Les échanges avec la R.D.A. n’étaient guère facilités, en dépit de la proximité. La zone frontière avait été déclarée «zone à développer» (Bundesausbaugebiet ).

La Bavière vaut aussi par ses villes, où se trouve l’essentiel de son industrie. Ratisbonne (132 000 hab.), ville-pont, est d’origine romaine. Ville libre impériale au Moyen Âge, elle devint le siège de la Diète permanente. C’est une des plus intéressantes villes du monde germanique méridional. Aujourd’hui, à côté d’un commerce actif, elle compte de nombreuses industries. Elle a été dotée, dans les années 1960, d’une université complète. Wurtzbourg (129 000 hab.), magnifiquement située dans la vallée du Main, est dominée par les vignobles. La vieille ville épiscopale compte quelques usines, mais elle est surtout célèbre grâce à son université. Augsbourg (248 000 hab.), vieille cité romaine, est la principale ville souabe de Bavière. C’est aujourd’hui une ville industrielle et universitaire. L’ensemble Nuremberg-Erlangen-Fürth forme une agglomération de 700 000 habitants dont 484 000 pour Nuremberg. Cette dernière est une création médiévale dans un milieu ingrat comme l’indique l’origine de son nom, Nur ein Berg : «seulement un rocher». Grâce à sa situation, elle devint une grande cité commerciale et, à partir du XIXe siècle, industrielle (chemins de fer, mécanique, électrotechnique, alimentaire). Capitale mondiale du jouet, Nuremberg est aussi un grand centre culturel. Fürth est une «annexe» industrielle et commerciale (maison Quelle). Erlangen, ancienne cité princière, est le siège d’une célèbre université et d’importantes usines Siemens fabriquant des appareils médicaux. La vieille ville historique de Nuremberg a été entièrement restaurée après les bombardements de 1944-1945. C’est un haut lieu de la civilisation allemande.

Si la Bavière compte de nombreuses autres villes intéressantes (Schweinfurt, Bamberg, Bayreuth, Passau, Ingolstadt), celle de Munich, toutefois, s’est rapidement imposée comme la capitale incontestée. Avec ses 1,3 million d’habitants, elle est la troisième ville d’Allemagne. Capitale politique, embellie par ses princes et rois, elle est un très grand centre industriel (automobile, électrotechnique, chimie, mécanique, alimentation, brasseries, imprimeries), ainsi que, surtout, une grande ville culturelle. Ses établissements d’enseignement supérieur sont fréquentés par plus de 100 000 étudiants. La ville compte un grand nombre de théâtres et de musées. Grâce à la proximité des Alpes et à son environnement culturel, la ville de Munich est devenue une métropole de niveau européen.

L’Allemagne rhénane

Il est à peine exagéré de dire que l’ancienne R.F.A. correspond aux pays rhénans élargis. C’est une des conséquences de la partition de l’Allemagne après 1945: néanmoins, les pays rhénans ne sont pas homogènes. Leur unité est due au Rhin. Les aménagements de ses affluents ont déterminé au cours du temps une extension de l’influence du grand fleuve, désigné au XIXe siècle sous le nom de Vater Rhein (père Rhin). Lamartine l’appelait le «Nil d’Occident».

Sur le plan agricole, on peut distinguer trois aspects, du sud au nord. Tout d’abord, le fossé du haut Rhin connaît la polyculture intensive à base de plantes commerciales: tabac, houblon, betterave à sucre, vigne, légumes de plein champ (asperges, salades, radis, concombres, etc.), fruits; la petite propriété domine; nombre de cultures ont alimenté, précocement, l’industrie (brasseries, conserveries). En deuxième lieu, la traversée du Massif schisteux rhénan réduit les terres agricoles; c’est la vigne qui domine, implantée sur des terrasses construites par les hommes; dans le Rheingau et dans la vallée de la Moselle se situent les meilleurs crus; les bourgs sont à la fois viticoles et touristiques; la navigation intensive fait partie des paysages; la vallée de la Moselle est une réplique de celle du Rhin. Le troisième aspect est présenté par les bas pays rhénans (Niederrhein); l’industrie et les villes dominent en aval de Bonn, mais l’agriculture reste très intensive; près du fleuve et en direction des Pays-Bas, l’élevage et l’habitat dispersé (fermes en briques rouges) rappellent ces derniers; plus au sud, au contact du Mittelgebirge, dans les riches Börden, la céréaliculture intensive et la culture de la betterave à sucre règnent en maîtresses; c’est là que la grande propriété (Gut ) est fortement représentée. On ne peut séparer de la vallée proprement dite les hautes terres qui l’entourent (Hunsrück, Eifel, Taunus, Westerwald). L’altitude entraîne un certain retard dans le cycle agricole annuel. Plus pauvres, ces régions ont, cependant, fait un gros effort. La polyculture est tournée vers l’élevage (lait, fromage). Le tourisme et les loisirs trouvent des conditions favorables dans la proximité des grandes villes et des concentrations industrielles. Une bonne partie de la population rurale travaille dans ces dernières. La solidarité entre vallée et hauteurs ne cesse de croître. Le Rhin a joué un rôle fédérateur non seulement sur le plan allemand mais aussi sur le plan européen.

La Ruhr

Le Rhin a favorisé l’éclosion de nombreuses villes. Son aménagement aux XIXe et XXe siècles a favorisé l’essor de l’industrie en même temps qu’il a étendu sa zone d’attraction. Toutefois, le dynamisme du Rhin et de la Rhénanie est venu de l’essor de la Ruhr, en aval. Celle-ci est partie intégrante de la Rhénanie. C’est l’extraction du charbon dans la vallée de la Ruhr qui est à l’origine d’un processus de dynamisation qui n’est pas encore achevé.

De Moers à Dortmund, de l’ouest à l’est sur 100 kilomètres et de Mülheim à Recklinghausen, du sud au nord sur 30 kilomètres, les paysages industriels et urbains dominent d’une manière tyrannique. La prospérité a longtemps reposé sur le charbon. En 1957, on comptait 140 sièges d’extraction. Ils ne sont plus que 21 en 1989. La production est tombée de 127 millions de tonnes en 1938 à 56 millions en 1989. Les houillères, regroupées dans la Ruhrkohle A.G., n’emploient plus que 107 000 salariés en 1989, contre 275 000 en 1965. Nombre de villes sont nées du charbon. Du fait de l’inclinaison des couches vers le nord, l’extraction progresse dans cette même direction, entraînant la nécessaire reconversion des villes du secteur sud. Rapidement, sidérurgie et carbochimie sont venues s’installer sur le bassin houiller. La métallurgie de transformation (équipements, machines) a pris une grande extension. La crise houillère des années 1960-1970 a accentué les efforts de reconversion bien que le taux de chômage reste localement élevé. Aussi, de petites villes du début du XIXe siècle sont devenues en 1980 de véritables métropoles: Duisburg (556 000 hab.), Essen (645 000 hab.), Dortmund, (606 000 hab.), Bochum (399 000 hab.). Au niveau inférieur, l’industrie a contribué à la formation de nombreuses villes comme Mülheim (180 000 hab.), Oberhausen (229 000 hab.), Gelsenkirchen (303 000 hab.), Hagen (218 000 hab.), Hamm (172 000 hab.), Herne (182 000 hab.). La plupart des grandes villes ont vu la population diminuer, celle-ci se reportant vers les communes périphériques. La récente réforme communale a fait disparaître les petites communes. À présent, la Ruhr est une région de grandes villes. La reconversion dans le Sud s’est accompagnée d’une tertiarisation des villes. Un gros effort a été fait sur le plan culturel. Alors que la Ruhr ne possédait aucune université en 1960, elle en compte maintenant cinq: Duisburg, Essen, Bochum, Dortmund, Hagen (télé-enseignement), sans compter les universités voisines de Wuppertal, Siegen, Münster, Düsseldorf et Cologne, ainsi que les autres établissements supérieurs autonomes (Fachhochschulen , etc.). Il en a été de même sur le plan du développement des théâtres et de la création des orchestres.

Le «rail rhénan»

À l’axe transversal ouest-est que constitue la Ruhr s’oppose le rail rhénan, sud-nord, déterminé par le Rhin et l’attraction de Rotterdam. C’est à proximité du Rhin, entre Cologne et la frontière hollandaise, que s’implantent les nouvelles industries. La chimie, ravitaillée en partie par pipeline en provenance de Rotterdam, y trouve son terrain d’élection. La densité des voies de communication, l’abondance des terrains industrialisables, les ressources en eau constituent des facteurs favorables pour le rail rhénan. L’extraction du charbon se fait sur la rive gauche qui est largement industrialisée (Krefeld-Mönchengladbach). La Ruhr proprement dite, relevant de l’organisme d’aménagement du territoire Kommunalverband Ruhrkohlenbezirk , couvre près de 5 000 kilomètres carrés (un petit département français) avec près de 6 millions d’habitants. En y ajoutant les régions environnantes au sud et à l’ouest, le «complexe urbain et industriel rhéno-westphalien» regroupe sur environ 17 000 kilomètres carrés 12 millions d’habitants.

Avec la rapidité des communications, la région de Cologne s’intègre de plus en plus dans ce complexe. Cologne est une création romaine. Sa situation sur le Rhin l’oriente vers le commerce et les relations avec les Pays-Bas. Métropole religieuse et culturelle, Cologne (973 000 hab.) est devenue un grand carrefour de communications et une grande cité industrielle.

Plus au sud, Bonn fut longtemps une ville provinciale tranquille. Sa promotion comme capitale fédérale a entraîné des fusions de communes qui ont porté sa population à 290 000 habitants. Si l’université a une grande réputation, l’industrie en revanche est quasi absente. Le transfert à Berlin de fonctions capitales constitue pour Bonn un préjudice incalculable.

La région Rhin-Main-Francfort

La région Rhin-Main-Francfort est une des composantes importantes de la Rhénanie. Zone de confluence entre le Main et le Rhin, la région est un des plus grands carrefours européens. L’agriculture est une des plus riches d’Allemagne. Francfort (Frankfurt : «le gué de Franconie») est bien une ville rhénane (627 000 hab.) bien que située sur le Main. Ville libre impériale, lieu où les empereurs se sont fait couronner, elle s’est tournée vers le commerce dès le Moyen Âge. Capitale du libéralisme, elle a failli devenir la capitale de l’Allemagne unifiée en 1848. L’industrie l’a gagnée tardivement. La ville est le centre financier et bancaire de la R.F.A. De nombreuses grandes sociétés y ont leur siège. Une des foires les plus célèbres est celle du livre. L’aéroport est de loin le plus important de la R.F.A. Autour de Francfort s’est développée d’une manière autonome toute une série de villes industrielles: Offenbach, Hanau, Rüsselsheim (Opel); Darmstadt (138 000 hab.) est une ville princière (Hesse) qui grâce à sa Technische Hochschule est devenue un grand centre industriel. La ville est aussi une des capitales du Jugendstil. Wiesbaden (274 000 hab.), ancienne ville princière, centre culturel, est la capitale du Land Hesse. L’influence de Francfort déborde aussi bien sur la rive gauche du Rhin, c’est-à-dire en Rhénanie-Palatinat, qu’en direction du Main, c’est-à-dire sur la Bavière. La région urbaine de Francfort compte environ 2 millions d’habitants. Mayence (187 000 hab.), capitale du Land Rhénanie-Palatinat, gravite dans l’orbite de Francfort.

La région Rhin-Neckar

La zone de confluence du Rhin et du Neckar comprend environ 1,7 million d’habitants. L’industrie emploie 50 p. 100 des actifs. Trois villes déterminent la région: Mannheim (304 000 hab.), Heidelberg (134 000 hab.) et Ludwigshafen (159 000 hab.). La première, création du XVIIe siècle, est devenue un grand centre industriel bien qu’ancienne ville princière. La deuxième est l’ancienne capitale du Palatinat (château). C’est à Heidelberg qu’a été créée, en 1386, la première université en terre allemande. Les liens entre enseignement supérieur et industrie sont anciens. Quant à Ludwigshafen, c’est une création du XIXe siècle. Des industriels de Mannheim y ont implanté une usine en profitant du Rhin: la ville doit tout à la société B.A.S.F. L’industrie chimique, l’automobile (Daimler-Benz), l’électrotechnique (Brown Boveri), le papier, la métallurgie de transformation, l’industrie alimentaire, etc., constituent les principales activités industrielles de la région Rhin-Neckar.

La région industrielle du Neckar moyen

Le Wurtemberg est une région industrielle relativement jeune. Longtemps, l’agriculture a prévalu. À part le sel, le pays ne compte guère de richesses minières. C’est le génie créateur souabe qui est à l’origine du développement industriel. Ce dernier remonte à la fin du XIXe siècle. Le charbon arrivant par le Neckar a permis d’avoir de l’énergie bon marché. Mais c’est aussi grâce à la forte densité démographique et aux nombreuses petites villes que l’essor a été rapide. Stuttgart (Stutten garten : «haras») est une résidence princière, créée en 960. Avec l’élévation en 1806 du prince à la dignité royale, la ville gagne en importance. Cet héritage explique l’intensité de la vie culturelle. Mais c’est l’industrie qui lui confère sa richesse. La ville est le siège de sociétés importantes. Stuttgart est le quatrième centre pour l’édition en R.F.A. L’université technique a favorisé le développement industriel. La ville (584 000 hab.) perd une partie de sa population au profit de sa périphérie. Elle est entourée par toute une série de villes industrielles: Esslingen, Nürtingen, Göppingen, Waiblingen, Böblingen, Leonberg, Ludwigsburg... La région urbanisée du Neckar moyen, dominée par Stuttgart, totalise plus de 2,2 millions d’habitants. Ses industries de pointe en font une des régions les plus prospères de la R.F.A.

Les centres isolés du pays de Bade

Le sud du fossé rhénan comprend quelques centres industriels isolés: Karlsruhe (271 000 hab.), ancienne capitale du duc de Bade, siège d’une célèbre université technique; Fribourg (175 000 hab.), centre religieux et universitaire; Pforzheim (106 000 hab.), centre de l’horlogerie allemande. Les nombreuses villes, petites et moyennes, abritent toutes des industries à des titres divers.

La Sarre: un Land créé à l’initiative de la France

Avant la première occupation par la France (1918), le «territoire de la Sarre» était un simple département de la Prusse rhénane. C’est lors du retour à la R.F.A. (1957) que la Sarre (1,03 million d’habitants) a été constituée en Land autonome, à la demande de la France. Son économie reposait surtout sur les charbonnages et la sidérurgie: la reconversion a introduit des industries à technologie avancée (électrotechnique, automobile, chimie, alimentation). La production du charbon se situe à 8,2 millions de tonnes. La sidérurgie a été restructurée autour de Dillingen-Voelklingen. La réforme communale (1974) a réduit le nombre de communes de 350 à 49; aucune n’a moins de 6 000 habitants. Sarrebruck (ville: 190 000 hab.; communauté urbaine: 360 000 hab.) a tous les attributs d’une capitale de Land: gouvernement, ministères, administrations, banques, assurances. L’enseignement supérieur accueille 24 000 étudiants. Malgré ses problèmes, la Sarre fait figure d’un havre de prospérité par rapport au département français de la Moselle, victime d’une crise profonde.

L’Allemagne moyenne

Par Allemagne moyenne, il faut entendre toutes les régions situées entre la Bavière, au sud, et la plaine du Nord, à l’exception des régions rhénanes. Il s’agit de toute une série de moyennes montagnes (Rothaargebirge, Rhön, Teutoburger Wald, Wiehengebirge, Solling, Harz) et de régions de collines: Hessisches Bergland, ainsi que les vallées qui les traversent, notamment celles de la Lahn, de la Weser et de ses affluents, ainsi que de la Leine. Nous sommes au cœur de l’Allemagne historique, avec ses régions minières, ses forêts, ses villes médiévales.

L’agriculture est limitée aux vallées et à quelques plateaux. L’élevage domine sur ces derniers, tandis que, dans les premières, on trouve quelques cultures spécialisées. La région, qui n’a pas de centre, vaut par sa fonction de passage entre le sud et le nord, et entre l’ouest et l’est. Les montagnes, tôt gagnées par l’industrie, sont très peuplées. Les petites villes et les villes moyennes sont nombreuses: Wetzlar (optique), Giessen (université), Marburg (première université protestante), Fulda (évêché catholique). Les plus importantes sont Göttingen (130 000 hab.), ville universitaire et industrielle (électrotechnique, aluminium, imprimerie, alimentation), et Cassel (195 000 hab.), ancienne capitale princière, centre universitaire et industriel (Volkswagen).

Aujourd’hui, la région est devenue une grande zone de tourisme et de loisirs pour les régions urbanisées et industrialisées du pourtour (Rhénanie, plaine du Nord).

La plaine du Nord

La plaine du Nord n’est qu’une partie de la grande plaine européenne qui s’étend du nord de la France au sud de l’U.R.S.S. Cinq Länder la constituent: le Schleswig-Holstein (15 696 km2, 2,6 millions d’habitants); la Basse-Saxe (47 424 km2; 7,2 millions d’habitants); Hambourg (755 km2; 1,64 million d’habitants) et Brême (404 km2; 0,69 million d’habitants). Enfin, le Land Rhénanie-du-Nord - Westphalie mord quelque peu sur la plaine du Nord à travers le bassin de Münster en Westphalie (6 896 km2; 2,4 millions d’habitants). Bien que les altitudes soient faibles, les régions sont très variées.

Au sud, les Börden sont comme ailleurs une zone céréalière et betteravière très riche (Hanovre). La Geest est une région où, grâce aux amendements, les rendements céréaliers ont tendance à rejoindre ceux des Börden. Dans les zones argileuses, notamment les Marschen, l’élevage intensif l’emporte. Le Schleswig-Holstein a une économie agricole identique. Traditionnellement, le bocage (Knicklandschaft ) est réservé à l’élevage. Tout est fait pour conserver ce paysage pittoresque.

Le sous-sol de la plaine du Nord est assez riche: sel dans la région de l’Elbe, potasse aux environs du Harz, minerai de fer autour du même massif, pétrole et gaz naturel dans les pays de la Weser et de l’Ems. Grâce aux facilités de transport (Mittellandkanal, chemins de fer), le charbon de la Ruhr a suscité beaucoup d’industries. Parmi les plus importantes, on peut citer la sidérurgie de Salzgitter, la construction automobile (Volkswagen à Wolfsburg, Hanovre, Brunswick...), la métallurgie de transformation, les machines, les équipements, un peu partout. L’industrie domine dans tous les Länder. Elle est de plus en plus le fait des grandes villes. À l’intérieur, Hanovre, ancienne capitale princière, vieille cité hanséatique, domine incontestablement: grand centre industriel (automobile, électrotechnique, chimie, métallurgie, caoutchouc, alimentation, imprimerie), la ville (531 000 hab.) est également un grand centre culturel (importante Technische Hochschule), politique (siège du gouvernement) et administratif. Brunswick (261 000 hab.) fut fondé au XIIe siècle par Henri le Lion qui en fit un important centre de négoce. Avec enthousiasme, la bourgeoisie passa à la Réforme. Au XIXe siècle, la ville s’industrialise grâce à la création de la Technische Hochschule. Les industries de pointe y sont nombreuses (proximité de Wolfsburg). Les autres villes de l’intérieur sont plus petites. Mais toutes ont des secteurs industriels importants: Osnabrück (157 000 hab.), Salzgitter (113 000 hab., sidérurgie), Hildesheim (102 000 hab.), Wolfsburg (Volkswagen, 125 000 hab.), Oldenbourg (université, 137 000 hab.), Celle (72 000 hab.), Lunebourg (62 000 hab.), Minden (77 000 hab.).

C’est le littoral, avec ses estuaires, qui fait l’importance de la plaine. Emden (51 000 hab.) est un port pétrolier et industriel (véhicules, navires), Wilhelmshaven (99 000 hab.), ancien port de guerre, s’est converti à l’industrie (mécanique), Lübeck (220 000 hab.) est fortement industrialisé grâce aux arrivages de matières premières dans son port. Mais c’est aussi un centre commercial et culturel. Kiel (250 000 hab.), ancien port de la Kriegsmarine, s’est également reconverti vers des industries de paix (métallurgie, mécanique, électrotechnique). Ses régates (Kieler Woche ) restent célèbres. La ville se trouve au débouché du canal de la mer du Nord à la Baltique, qui est un important facteur de développement économique. Les ports de la côte balte privilégient les relations avec le monde scandinave ainsi qu’avec la Pologne et l’U.R.S.S.

Toutefois, deux ensembles portuaires dominent: celui de Brême et celui de Hambourg.

Au fond de l’estuaire de la Weser, Brême occupe une situation privilégiée. Ancien évêché important, ville hanséatique, Brême s’ouvrit au commerce océanique qui lui permit de s’industrialiser. Les activités portuaires ont donné naissance à de nombreuses industries: constructions navales, machines, équipements, industries chimiques, textiles, alimentaires (à partir de produits importés: café, graisses, thé, chocolat, tabac). L’ensablement de la Weser a nécessité la construction d’un avant-port: Bremerhaven (138 000 hab.). L’université est de création récente.

Hambourg (1,6 million d’habitants) est incontestablement la capitale de la plaine du Nord. Ville hanséatique située au confluent de l’Alster et de l’Elbe, elle fut dès le Moyen Âge un grand centre de commerce, en relation avec l’Angleterre et la Scandinavie. L’agrandissement du port (sans écluses) et l’aménagement de l’Elbe étendirent son influence jusqu’en Tchécoslovaquie. La partition de l’Allemagne après 1945 porta un rude coup à la ville, qui, toutefois, s’en est brillamment relevée. Premier port de la R.F.A., Hambourg avait un trafic moyen du fait qu’il importait peu de produits pétroliers gonflant les statistiques. C’était avant tout un port industriel (constructions navales, moteurs, machines, équipements, chimie, électrotechnique, alimentation, imprimeries, etc.). La réunion des deux Allemagnes en fait le port de Berlin et de la Tchécoslovaquie. La ville est un grand centre bancaire et boursier (marchandises et valeurs). C’est aussi une métropole culturelle (universités) réputée pour son libéralisme et son originalité. Hambourg s’intitule fièrement et à juste titre la «Porte du monde» (Tor zur Welt ).

Les aspects régionaux des cinq nouveaux Länder

Contrairement à l’ancienne R.F.A., le territoire de l’ex-R.D.A. ne participe pas au monde alpin. Composé de la plaine du Nord et du Mittelgebirge, il paraît plus homogène, plus germanique. Les héritages administratifs ont été maintenus jusqu’en 1952, date à laquelle on fit disparaître les cinq Länder de Brandebourg, Saxe-Anhalt, Mecklembourg, Saxe et Thuringe. On répartit ces entités en quatorze districts (Bezirke ). Celui de Berlin, capitale de la R.D.A., fut créé ultérieurement. Mis à part ce dernier cas, le choix des districts se fit sur des critères économiques, chaque Bezirk étant groupé autour d’une ville. En tenant compte des facteurs historiques, géographiques et économiques, on peut diviser le territoire de l’ancienne R.D.A. en trois ensembles: la plaine du Nord (Bezirke Rostock, Neubrandenbourg, Schwerin); la partie centrale (Bezirke Magdebourg, Potsdam, Berlin, Francfort-sur-l’Oder); les districts industriels du Sud (Bezirke Halle, Erfurt, Suhl, Cottbus, Gera, Leipzig, Karl-Marx-Stadt, Dresde).

Le littoral et les régions septentrionales

Cette région correspond au Mecklembourg et à la Poméranie antérieure restée allemande. Le littoral est dépourvu de grands estuaires favorisant les influences maritimes. La Baltique est une mer «fermée», sans marée. Malgré cela, la côte présente une certaine variété. Les plages sont nombreuses, permettant le développement du tourisme.

Ancienne terre slave, la région a été colonisée par les Allemands à partir du Xe siècle. Les toponymes slaves survivent dans les suffixes -ow , -in , -itz . La colonisation fut agricole à l’intérieur, grâce aux nombreux monastères et abbayes (Feldklöster ). La généralisation de l’abandon des villages (Wüstungen ) de la fin du Moyen Âge et du XVIIe siècle (guerre de Trente Ans) favorise la concentration foncière. En 1839, la propriété latifundiaire (Grossgrundbesitz ) concernait les trois cinquièmes des terres du Mecklembourg. Les trois districts qui forment la région sont les plus ruraux de l’ex-R.D.A. L’intensité de l’agriculture se traduit par l’importance des labours. Ces derniers occupent, en moyenne, 75 p. 100 de la S.A.U. Cela ne veut pas dire que l’élevage est insignifiant. Bien au contraire, les progrès de l’orge lui sont dus. Petit à petit, les villes de l’intérieur sont gagnées par l’industrie. Le district de Neubrandenbourg est le plus rural: 38 p. 100 de sa population vit dans des communes de moins de 2 000 habitants. Mais la ville est passée de 46 000 habitants en 1971 à 75 000 en 1984. L’industrie alimentaire fournit 63 p. 100 du produit industriel brut du district.

La région vaut surtout par le littoral, qu’englobe le Bezirk Rostock. Sa population est passée de 601 000 habitants en 1939 à près de 900 000 en 1984. Wismar (57 000 hab.) est un port comptant d’importants chantiers navals (paquebots), Stralsund (75 000 hab.) construit des chalutiers et des navires spéciaux. On y trouve aussi des usines de fabrication de matériel agricole, l’industrie du bois et l’industrie alimentaire. Greifswald (61 000 hab.) doit son importance à son université. L’île de Rügen est tournée vers l’agriculture et les loisirs.

Rostock, vieille cité hanséatique, était le premier port de la R.D.A. Son rôle était secondaire avant 1939, car le débouché naturel des pays de l’Elbe était Hambourg. C’est un port de transit mais qui possède de nombreuses industries (chantiers navals, machines, industries alimentaires). Son trafic est de l’ordre de 15 millions de tonnes. La population a presque doublé: 121 000 habitants en 1939, 230 000 en 1982. Après l’unité retrouvée, Hambourg devient un concurrent redoutable.

Les régions centrales

La partition de l’Allemagne a altéré les structures régionales. La nouvelle frontière de l’Oder-Neisse fait perdre au grand fleuve son rôle structurant.

Les paysages naturels sont marqués par l’importance des Urstromtäler . Le Harz, traversé jusqu’à l’unification par la frontière entre les deux Allemagnes, est le seul relief de la partie centrale. Sur son pourtour, le sous-sol contient d’importants gisements salifères. Le long de la moyenne montagne s’étalent les Börden lœssiques, les plus riches greniers à grains de toute l’Allemagne. La betterave à sucre peut occuper jusqu’à 35 p. 100 des terres agricoles. Mais quelques signes indiquent un certain degré d’épuisement des terres. Les Börden sont des pays sans forêt, ce qui les expose aux méfaits du vent. Elles sont aussi une grande zone de passage ouest-est. Le chemin de fer et l’industrie les ont gagnées très tôt. Quelques gisements de lignites ont fourni le combustible. Mais pendant longtemps c’est le charbon de la Ruhr qui a été la base énergétique. La croissance rapide de Berlin, à la fin du XIXe siècle, a bouleversé la structure régionale. Les canaux (Elbe, Havel, Spree-Oder, Havel-Oder et, le plus récent, le Mittellandkanal), l’Elbe, l’Oder et la Saale, navigable sur 122 kilomètres, ont aidé puissamment au développement industriel qui s’est appuyé sur les villes. En dehors de Berlin, c’est la partie occidentale, le district de Magdebourg, qui est le plus industrialisé. L’équipement lourd et la construction de machines dominent. La sidérurgie-métallurgie est implantée à Calbe et dans ses environs. Vers l’ouest, autour de Stassfurt, de Bernbourg, l’extraction du sel et de la potasse ainsi que la chimie qui en découle marquent les paysages. Magdebourg (283 000 hab.) est une véritable métropole. Sa tradition industrielle est ancienne; elle s’appuie sur la Technische Hochschule (université technique). Plusieurs V.V.B. (Vereinigung Volkseigener Betriebe , organisation centrale regroupant les entreprises collectivisées, ou V.E.B., Volkseigener Betrieb, par branche d’activité) y ont leur siège. Toutefois, la ville n’a pas retrouvé sa population de 1939 (336 000 hab.).

Dans les districts de Potsdam et de Francfort-sur-l’Oder, l’activité industrielle a une tradition moins ancienne. Potsdam, le Versailles prussien, n’était pas destiné à devenir un centre industriel. La reconversion est intervenue après 1945 (locomotives, mécanique, industries graphiques et alimentaires). L’industrie a gagné toutes les villes moyennes et petites.

En 1961 furent créés les arrondissements urbains d’Eisenhüttenstadt, par la fusion de Stalinstadt et Fürstenberg, et celui de Schwedt (pétrole-chimie).

Les districts industriels du Sud

On peut distinguer, à l’est, les districts saxons, à l’ouest ceux de Thuringe. Les cinq districts saxons de Halle, Leipzig, Dresde, Cottbus et Karl-Marx-Stadt totalisaient 32 p. 100 de la surface de la R.D.A. Ils concentraient 47 p. 100 de la population et 56 p. 100 des actifs. Sauf pour le district de Cottbus (107 hab./km2), les densités dépassaient toujours 200 habitants au kilomètre carré, malgré la montagne.

La «baie géologique de Halle-Leipzig» s’enfonce loin à l’intérieur du Mittelgebirge. Le lœss est à l’origine de la richesse agricole. C’est l’industrie qui l’emporte partout. Le district de Chemnitz (l’ex-Karl-Marx-Stadt), terre de vieille tradition industrielle et ouvrière, englobe la quasi-totalité de l’Erzgebirge et du Vogtland. Sur près d’un million d’actifs, l’industrie en emploie plus de 50 p. 100; les principales activités sont la construction de machines et de véhicules, le textile, l’industrie légère, l’industrie alimentaire, l’électronique. C’est autour de Chemnitz, et surtout dans le Vogtland, que s’est concentré le textile. L’Erzgebirge est une vieille terre minière qui a connu maintes reconversions. Chemnitz a joué un rôle pilote. Avec 315 000 habitants, elle dépasse sa population de 1939 (295 000 hab.). La diversification s’est opérée, en partie, grâce à l’enseignement supérieur dispensé dans la ville.

Un autre pôle du développement est la région de Dresde. L’ancienne capitale du royaume de Saxe (630 000 hab. en 1939, 512 000 en 1982) est tombée au rang de chef-lieu de district. La célèbre manufacture de porcelaine de Meissen, créée en 1710, est en relation avec la capitale de Saxe. L’industrie a des bases urbaines: machines, appareils scientifiques, produits pharmaceutiques et alimentaires. La ville est le siège du plus important V.E.B. de l’électronique (Robotron) et celui de l’Institut central pour l’automation. Elle était aussi le centre des recherches nucléaires dans l’ex-R.D.A. Les activités culturelles reposent sur un riche passé: le centre historique a été reconstruit; Zwinger, Gemälde Galerie, Opéra de Semper. La proximité de la Suisse saxonne, grande région touristique, avantage l’agglomération de Dresde. À l’ouest, la conurbation de Halle-Leipzig réunit 670 000 travailleurs dans l’industrie. L’essor récent est parti du chemin de fer et des lignites. La chimie, élaborée grâce à ces derniers, et le pétrole marquent les paysages et sont responsables des odeurs âcres qui pèsent sur ces régions. Mais, grâce aux deux grandes villes, d’autres industries se sont créées: industries alimentaires, machines, équipements.

Halle doit son essor au sel. La ville, un des centres du piétisme, s’est tournée directement vers l’industrie. Son université a joué un rôle considérable dans la vie culturelle allemande. L’expansion industrielle a suscité la construction de la ville nouvelle de Halle-West (90 000 hab.). Halle proprement dit concentre 231 000 habitants. Leipzig a gardé son rôle de métropole, bien qu’elle n’ait pas retrouvé sa population de 1939 (707 000 hab. contre 565 000 aujourd’hui). Ville de foires à l’échelle de l’Europe (fourrures, livres, etc.), grand centre de l’édition, pôle culturel (son université fut créée en 1409), carrefour de voies de communication, métropole industrielle, Leipzig était avant 1919 la grande rivale de Dresde. La conurbation de Halle-Leipzig regroupe 3,5 millions d’habitants.

À l’ouest de la Saxe, la Thuringe est une terre de contrastes. La montagne profondément minéralisée est un vieux pays d’activités artisanales et industrielles. Textile, mécanique, machines, outillage, jouets, optique, photographie sont répartis entre les nombreuses villes. Iéna (102 000 hab.) domine la Thuringe orientale. La ville est célèbre grâce à son université, son industrie du verre, de l’optique et de la photographie (Carl Zeiss). Gera (121 000 hab.) était réputée pour ses toiles. Par la suite, l’industrie mécanique devait prendre le relais. La montagne abrite un des hauts lieux du germanisme: la Wartburg. Le bassin s’oppose aux montagnes qui le bordent. Il correspond à peu près au district d’Erfurt. L’agriculture (céréales, betteraves à sucre) y est prospère. À part la potasse, l’industrie ne dispose pas de matières premières locales importantes. La valeur du bassin repose sur la densité des villes: Arnstadt, Eisenach (automobiles), Gotha, Mühlhausen, Nordhausen, qui sont toutes industrialisées. La Réforme y avait trouvé une base solide. Mais ce sont Weimar (63 000 hab.) et Erfurt (206 000 hab.) qui illustrent la Thuringe. La première a été une des capitales de l’Aufklärung au XVIIIe siècle, la seconde a joué un rôle déterminant après la défaite de l’Allemagne en 1918 (république de Weimar). Aujourd’hui, tout en conservant le culte du passé, ces deux villes sont devenues des centres industriels.

Berlin, une métropole qui retrouve son unité et son statut de capitale

En 1939, la capitale du Reich comptait 4 338 000 habitants. La construction du Mur (longueur, 162 km), le 13 août 1961, divise la ville en deux parties inégales: Berlin-Ouest, avec 2 198 000 habitants et 487 kilomètres carrés, et Berlin-Est, avec 1 063 000 habitants et 402 kilomètres carrés. Pendant vingt-huit années, ces deux parties connurent une évolution divergente.

Berlin est nommée pour la première fois dans l’histoire en 1237. Ce n’est qu’en 1440 que la ville devient résidence princière. Le passage au protestantisme en 1539 devait être un fait décisif. Grâce à l’afflux de huguenots à la suite de la révocation de l’édit de Nantes (1685), Berlin atteint 20 000 habitants. La victoire de la Prusse sur la France (en 1871) fit de la ville la capitale du IIe Reich. Elle connut ensuite une croissance explosive (Gründerzeit ). Une loi votée en 1920 crée le Gross-Berlin en rattachant au noyau urbain primitif 7 villes, 59 communes, 27 grands domaines agricoles. La capitale fut divisée en vingt arrondissements. En 1939, la ville, encore unifiée, comptait 4,34 millions d’habitants.

Berlin-Ouest

Après la construction du Mur, le territoire de Berlin-Ouest recouvrait 12 des 20 arrondissements. La partition avait fait perdre à la ville sa fonction politique. Elle avait gardé un statut particulier garanti par les Alliés. De ce fait, la ville n’était pas tout à fait l’équivalent d’un Land. Les lois votées à Bonn devaient être revotées par le Parlement de Berlin-Ouest.

La ville a perdu d’importants secteurs tertiaires. Elle a dû se tourner encore davantage vers l’industrie. C’est, avec Hambourg, le plus grand centre industriel de la R.F.A. L’électrotechnique emploie près de 40 p. 100 des travailleurs. Les autres industries sont la construction de machines, l’industrie alimentaire (troisième rang), la confection, le textile, la chimie, l’imprimerie, etc.

Lors de la reconstruction, on a aménagé une city-ruban dans le prolongement du centre de Berlin-Est, afin de ménager une continuité en cas de réunification. La situation démographique est mauvaise. Elle est marquée par le vieillissement, le déclin de la natalité et l’importance de l’immigration étrangère (turque).

La ville reste un très grand centre culturel, continuant une tradition ancienne. On compte plus de 100 000 étudiants, de nombreux centres de recherche. La ville possède une vingtaine de théâtres, une trentaine de musées ou de collections, plusieurs orchestres dont le célèbre Orchestre philharmonique de Berlin. L’équipement sportif est excellent, les espaces verts et les plans d’eau sont nombreux. Grâce au nombre et à la qualité des équipements, les Berlinois ne souffraient pas de claustrophobie pendant la période de partition.

Berlin-Est

Le centre historique (Bezirk-Mitte ) de Berlin se trouvait à Berlin-Est ainsi que la première université (Humboldt). La reconstruction a favorisé le développement de la fonction résidentielle (densité du Bezirk-Mitte: 8 643 hab./km2) et la fonction culturelle. Le nouvel urbanisme socialiste s’exprimait à travers l’Alexanderplatz et les avenues magistrales telles les Karl-Marx-Allee, Bersarinstrasse, Dimitroffstrasse. C’est à la fin des années soixante que de grandes opérations d’urbanisme furent décidées pour faire de Berlin-Est la capitale de la R.D.A. Le VIIe congrès du Parti socialiste unifié décida en 1977 d’accélérer le développement de Berlin: autour de la gare Lenin-Allee, quartier de Biesdorf-Marzahn (création du IXe arrondissement avec 100 000 habitants prévus), la construction du palais de la République, de la Chambre populaire, etc. En 1984, on a inauguré le Friedrichstadtpalast (1 900 places). Sur le plan industriel, Berlin-Est était la ville jumelle de Berlin-Ouest (industrie électrotechnique, machines, turbines, matériel de chemin de fer, fonderies, boulangeries industrielles, conserveries, brasseries, chocolateries, chimie, confection).

Berlin, capitale de l’Allemagne unifiée

L’ouverture du Mur dans la nuit du 9 au 10 novembre 1989 a été un événement historique mondial. Les deux parties de la ville ont été réunies sous la forme du Land Berlin. Toutes les voies de communications urbaines (métro, S-Bahn, bus, routes) entre les deux parties ont été rétablies. L’adaptation des structures exige du temps. De nouveaux projets d’urbanisme, destinés à rapprocher les deux parties, sont en voie d’élaboration. Le 20 juin 1991, le Bundestag a décidé que Berlin redevenait capitale.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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